À la veille du délibéré de la Cour suprême, prévu demain jeudi 27 novembre 2025, les travailleurs de Cbao retiennent leur souffle. Pour Raoul Kaly, porte-parole et chargé des revendications du Collège des syndicats, l’enjeu dépasse largement le sort de trois délégués licenciés : il s’agit de préserver ou d’enterrer définitivement la liberté syndicale au sein de l’institution bancaire.
La chambre administrative devait délibérer le 7 août dernier. Elle s’exprimera finalement demain jeudi. Et pour les salariés, l’enjeu dépasse le périmètre bancaire. «Si demain la sanction est validée, cela signifiera que tout salarié au Sénégal peut être puni pour avoir fait grève. Plus grave encore, qu’un délégué syndical peut perdre son emploi pour avoir défendu ses collègues. C’est la fin du syndicalisme», Raoul Kaly, porte-parole et chargé des revendications du Collège des syndicats. Il rappelle que la liberté syndicale est protégée par la Constitution, les conventions internationales de l’Oit et le Code du travail. «Cbao est en train de créer un précédent dangereux. Le pays doit mesurer la portée de ce qui se joue», dit-il.
Un appel à l’État, aux juges et à l’opinion
Alors que monte l’inquiétude, le Collège des syndicats appelle les autorités judiciaires à protéger l’État de droit. «Ce jeudi, la Cour suprême ne tranchera pas seulement un dossier social. Elle dira si, au Sénégal, revendiquer est un droit ou un délit», martèle Raoul Kaly. Qui embraye : «le monde syndical observe. Si la liberté recule à Cbao, elle reculera partout. Nous refusons d’être le laboratoire de la peur.» Un verdict attendu. Une banque silencieuse. Un personnel suspendu au destin de trois délégués. Jeudi, la Cour suprême dira de quel côté bascule l’histoire.
Les quatre travailleurs non protégés ont porté l’affaire devant la justice. Quant aux délégués, après un premier avis favorable au licenciement, le ministre du Travail a infirmé la décision de l’Inspection régionale. La Cbao a alors saisi la Cour suprême pour excès de pouvoir.
«Si la Cour suprême se trompe, c’est tout le mouvement syndical qui tombera»
Dix-neuf mois après le lancement de la grève de 40 jours entamée le 5 octobre 2023 pour exiger revalorisation salariale, hausse de la prime de résultat de 5% à 8%, généralisation des bonus et ouverture du capital aux employés la bataille sociale de Cbao entre dans son moment décisif. «Demain, la justice dira si exercer un droit constitutionnel est un crime», prévient Raoul Kaly, qui rappelle que la Direction générale avait d’abord qualifié la grève «d’illégale», avant de revenir sur sa position. À l’époque, l’intervention du Collectif des associations religieuses et du Sutbefs avait permis la suspension du mouvement, dans l’espoir d’une reprise des négociations. Mais, au lieu du dialogue attendu, «la Direction a choisi la répression», accuse le syndicaliste.
Sommations, huissiers, licenciements, «une stratégie d’intimidation organisée»
Entre le 19 janvier et les semaines qui ont suivi, les travailleurs grévistes affirment avoir reçu demandes d’explication et sommations interpellatives par huissier. Puis, le couperet, sept licenciements, dont trois délégués du personnel. Le grief principal ? Avoir tenu «des propos visant à discréditer la Cbao et ses dirigeants». «On licencie des salariés pour avoir suivi un mot d’ordre de grève légal, reconnu et protégé par la loi. C’est du jamais vu», s’insurge Raoul Kaly.
Baye Modou SARR