Le second panel organisé dans le cadre de la commémoration du 14ème anniversaire de la révolution populaire du 23 juin 2011 s’est tenu sous le thème : «L’arrêté Ousmane Ngom, 14 ans de violation de la Constitution». Cet arrêté est intervenu 37 jours après la puissante mobilisation populaire qui avait contraint le président Abdoulaye Wade à retirer son projet de ticket présidentiel. Les deux panélistes, Mohammed Benjelloun et Thiat, ont tour à tour dénoncé cet arrêté et se sont défoncés sur la société civile et les politiques qui n’ont que leur agenda.
Thiat dénonce un arrêté liberticide
Cyril Touré, alias Thiat, a ouvert les débats en fustigeant la persistance de cet arrêté dans le dispositif juridique sénégalais. «L’arrêté Ousmane Ngom est non seulement en violation de la Constitution, mais constitue un frein aux libertés et une injustice pour le peuple sénégalais. Cet arrêté n’existe qu’au Sénégal, c’est une aberration». Thiat rappelle que la Cedeao avait déjà exhorté le gouvernement à l’abroger, une décision ignorée par le régime en place à l’époque. Il critique sévèrement l’inaction du pouvoir actuel, pourtant anciennement dans l’opposition et engagé contre cet arrêté. «C’est inadmissible que deux ans après l’alternance, cet arrêté ne soit toujours pas abrogé. Avant même de voter une loi pour protéger les lanceurs d’alerte, il faut commencer par supprimer cette mesure liberticide», propose le coordonnateur du mouvement Y’en a marre
Dialogue politique : une désillusion selon Y’en a marre
Thiat de révéler la réponse reçue de Me Ngagne Demba Touré, quand la question de l’arrêté Ousmane Ngom a été évoquée lors du dialogue national. «Il nous a dit que ce n’était pas l’objet du dialogue. De même que les articles 254 à 257 de la Constitution. Il a prétexté que ces articles avaient été traités dans le dialogue sur la justice. Mais nous attendons toujours les décisions présidentielles issues de ces assises, comme l’instauration du juge des libertés». Pour Thiat, il s’agit d’un statu quo regrettable : «c’est décevant de la part de ce régime avec qui nous avions combattu toutes les lois injustes», lance-t-il le cœur meurtri.
Mohammed Benjelloun : «l’esprit du M23 étouffé»
Membre du M23, Mohammed Benjelloun renchérit en estimant que l’arrêté Ousmane Ngom a été conçu pour tuer l’esprit de la mobilisation citoyenne née du 23 juin 2011 : «aucun lieu n’est dangereux pour une manifestation. C’est à l’État d’assurer la sécurité. Nous devons refuser d’être les supplétifs des politiques». Il déplore la trahison de ceux qui étaient autrefois dans l’opposition : «ils ne pensent qu’à leurs intérêts. Regardez la sortie du président de l’Assemblée nationale : il ne parle que des avantages des députés, jamais du peuple», dénonce-t-il.
Critique sévère de certaines Ong et de la société civile
Benjelloun accuse également certaines organisations de la société civile d’agir pour leur propre intérêt et non pour celui du peuple : «beaucoup sont financées de l’extérieur et ne font que des rapports dans les hôtels, au lieu d’être sur le terrain avec les citoyens. Le vrai combat citoyen, c’est de garantir le droit de vote, pas de jouer les médiateurs», fait-il savoir sur un ton ferme.
Appel à un nouveau rapport à la politique
Thiat appelle à une remise en question des relations entre la société civile et les politiques : «il faut revoir les profils des leaders politiques avant toute mise en place de plateforme de concertation. Ce message s’adresse aussi à l’opposition actuelle». Il revient sur une proposition restée lettre morte lors du dialogue sur la justice : imposer un délai de 48 heures au préfet pour répondre à une demande de manifestation, et la création d’un juge des référés permanent : «il n’y a eu aucun consensus sur cette question. Cela prouve que les libertés ne sont pas une priorité», fustige le y’en a marriste.
Dénonciation des nominations partisanes dans les consulats
Dans un autre registre, Benjelloun dénonce le clientélisme dans les nominations diplomatiques. «Tous les responsables de la massification de Pastef dans les pays européens ont été nommés vice-consuls. Cette attitude partisane est inacceptable.»
Les intervenants appellent tous à un sursaut citoyen pour faire respecter les acquis démocratiques, abroger les lois liberticides et assainir la vie publique, y compris au sein même de la société civile.
Baye Modou SARR