Dans une lettre ouverte au ton ferme mais empreinte de lucidité, Mballo Dia Thiam, figure syndicale majeure de la santé et de l’action sociale au Sénégal, a interpellé le Premier ministre sur la marginalisation progressive de l’Action sociale au sein des politiques publiques nationales.
À la tête du Sutsas (Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l’action sociale) et de l’Asas And Gueusseum, Mballo Dia Thiam dénonce un recul stratégique avec la dissociation récente de l’Action sociale du ministère de la Santé, après 14 années d'intégration qu’il juge fructueuses, bien que perfectibles. «L’histoire retiendra que les retards dans le développement social du Sénégal ne sont pas dus à un défaut de textes ou de bonnes intentions, mais à une instabilité institutionnelle chronique, à des chevauchements administratifs et à une absence de moyens accordés à l’Action sociale», écrit-il.
Un secteur stratégique relégué
Dans sa lettre, Mballo Dia Thiam rappelle que les Assises nationales de l’Action sociale de 2008 avaient balisé une voie claire : «autonomisation des bénéficiaires, lois d’orientation sociale et familiale, fonds pour les personnes handicapées, ratification de la Charte internationale». Mais, 14 ans plus tard, le bilan reste timide. À titre d’exemple, il déplore que seulement 100.000 personnes handicapées sur une estimation de 2,7 millions aient eu accès à la carte d’égalité des chances lancée depuis 2014. «Ce sont des actes forts qui ont été posés sur le papier, mais sans moyens, les meilleures lois ne changent pas la vie des citoyens», insiste-t-il.
La rupture d’une synergie précieuse
La séparation entre Santé et Action sociale est, selon lui, une erreur stratégique. «L’expérience a montré que les Centres de promotion et de réinsertion sociale (Cprs), laissés sans moyens et ressources humaines qualifiées, sont devenus des parents pauvres du système, alors qu’ils auraient dû jouer un rôle de proximité comparable à celui des districts sanitaires», martèle le leader syndical.
Pour Mballo Dia Thiam, «cette fragmentation institutionnelle nuit gravement à l’intégration des déterminants sociaux dans les politiques de santé, fragilise les couches vulnérables et retarde l’effectivité des droits sociaux fondamentaux», défend-il.
Un appel à un «budget social efficient»
L’homme fort du Sutsas ne se contente pas de dénoncer. Il propose des pistes concrètes pour remettre l’Action sociale au cœur des priorités de l’État. «Repositionner l’Action sociale comme pilier transversal des politiques publiques ; renforcer significativement le budget de la Direction générale de l’Action sociale, aujourd’hui plafonné à 3,5 milliards F Cfa sur un total de 5000 ; relire et appliquer pleinement les lois d’orientation sociale et familiale ; territorialiser les interventions sociales en cohérence avec l’Agenda national de transformation», met-il sur la table du Pm Sonko, avant de poursuivre : «l’action sociale ne peut pas être un appendice du ministère de la Famille, alors que les enfants, femmes, personnes âgées et handicapées en sont les cibles majeures. Elle mérite un ministère transversal, des moyens adéquats et un leadership fort», plaide-t-il. «L’Action sociale n’est pas une variable d’ajustement institutionnel. Elle est un levier de stabilité et un facteur de dignité humaine», conclut-il.
Baye Modou SARR