DESAMOUR ENTRE LUI ET LE PUBLIC SENEGALAIS: Sadio Mané, pas prophète chez lui



 
«Nul n’est prophète en son pays». Et pour Sadio Mané, très croyant, le mal se confirme. Épanoui et étincelant avec Liverpool, il affiche un visage bien différent avec son équipe nationale. Il est souvent la cible des critiques, d’où ses pleurs samedi dernier à Bata.
 
L’image a fait le tour du monde. Sadio Mané, le maillot sur son visage pour essuyer ses larmes, l'attaquant sénégalais a été raccompagné au vestiaire par ses coéquipiers. La raison de sa tristesse reste un mystère, d'autant que son équipe est déjà qualifiée pour la Coupe d'Afrique des nations 2019. Tous les superlatifs ont été utilisés pour qualifier les performances de l’enfant de Bambali avec Liverpool. Les attentes du peuple sénégalais sont immenses. Le public est souvent trop impatient (le Sénégal n’a jamais remporté une Can). Après avoir raté une occasion en seconde période, Mané a été sifflé par ses supporters, samedi, face à la Guinée Equatoriale. Un épisode qu'il a très mal vécu, selon son frère.
 
 Sénégal ce n’est pas Liverpool
 
 Depuis de nombreuses années, le Sénégal et Mané jouent à «je t’aime, moi non plus». Oublié le temps des premiers espoirs, lorsque, en 2012, l’enfant de Bambali, alors âgé de 20 ans, avait séduit le monde entier lors des Jo 2012, avec des joueurs comme Cheikhou Kouyaté, Moussa Konaté et Cie. Beaucoup d’eau a coulé depuis. Aujourd’hui, le temps n’est pas à l’amour entre Mané et ses compatriotes, qui ne lui pardonnent rien. Le temps est au rejet. La raison ? Il peine à endosser son costume de leader que tout un pays attendait depuis des années. Un sentiment d’inachevé pèse sur le pays. Celui d’une équipe, aussi prometteuse soit-elle, incapable de livrer de la qualité. Et aujourd’hui, aux yeux de tout un peuple, c’est Mané qui est en ligne de mire.
Certains lui reprochent même son manque d’engagement. «Je me demande si on l’utilise bien avec le Sénégal. Ou simplement qu’il n’a pas envie de jouer ? Quand on le voit s’arracher à Liverpool et quand on le voit trainer avec le Sénégal, on se pose des  questions. On ne peut pas être tendre avec lui (…) C’est très normal qu’on attende beaucoup de lui», avait laissé entendre Victor Diagne après l’élimination prématurée du Sénégal au Mondial 2018. Samedi, après la victoire du Sénégal, Amdy Faye, l’ancien international sénégalais, n’a pas hésité à tacler l’enfant de Bambali, à qui il reproche son manque d’implication dans le jeu des Lions. «Il ne peut pas tout faire, mais on lui demande juste de courir comme il le fait avec Liverpool», disait Faye sur le plateau de la Rts.
 
L’éternelle comparaison avec Diouf
 
Il faut dire aussi que porter le numéro 10 du Sénégal n'est pas forcément un avantage. Qu’on le dise ou pas, Sadio Mané souffre du syndrome El Hadji Diouf au Sénégal. On attend de lui monts et merveilles à chaque touche de balle. Or Mané n’est pas Diouf. Et il ne le sera jamais ! Chaque joueur est différent. Chaque caractère recèle ses avantages et ses inconvénients. Et puis, surtout, les époques ne sont pas comparables. Le football pratiqué durant les années 2000 est totalement différent de celui pratiqué actuellement. El Hadji Diouf, même s’il n’a rien gagné avec le Sénégal, restera le joueur qui donnait tout pour une génération de joueurs qui a réussi la prouesse de disputer une finale de la Can en 2002 et de se hisser en quart de finale du Mondial asiatique. Même si l’enfant de Bambali risque d'affoler les compteurs, il ne sera (peut-être) jamais considéré à sa juste valeur au Sénégal, à moins qu’il remporte une Can. Les supporters sénégalais s'identifient aussi plus facilement à Diouf, Fadiga, Jules Bocandé ou autre qu’a Sadio Mané, bien lisse quand il porte le maillot national.
 
Le coaching d’Aliou Cissé en question ?
 
Il est vrai que Mané est le porte-étendard du Sénégal. Mais esseulé comme il l’est, impossible pour lui de se libérer. Derrière lui, ils sont dix joueurs à être tout au moins aussi critiquables que lui. Le plus à blâmer dans cette histoire étant peut-être le coach, Aliou Cissé, incapable de faire jouer cette équipe du Sénégal. Mais quand tout un pays doit tomber sur quelqu’un, c’est évidemment sur Sadio Mané. Il est celui qui représente le pays à l’étranger, et doit faire avec cette pression. Pourquoi y arrive-t-il à Liverpool, et pas avec le Sénégal ? Chez les Reds, moteur, c’est l’équipe. On cherche à développer le collectif, pour mettre Sadio Mané, Salah ou Firmino dans les meilleures conditions. Au Sénégal, on repose sur Mané, qui a du mal à s’affirmer comme il faut et cela à cause de son positionnement. Il est parfois obligé de venir chercher les ballons à 60 mètres du but adverse. Il pèse moins sur le jeu des Lions depuis des années. Un mal qu’il faut revoir pour permettre à l’enfant de Bambali de s’épanouir avec les Lions.
 
Mansour SAMB

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