DÉMOCRATIE EN AFRIQUE - INDICE 2024 DE LA DÉMOCRATIE DANS LE MONDE : Le Sénégal, premier de l’Uemoa, troisième de la Cedeao mais relégué parmi les régimes hybrides




 
 
Le dernier classement mondial de la démocratie, publié le 27 février 2024 par The Economist Intelligence Unit (EIU), dresse un tableau contrasté de l’évolution politique du continent africain. Si la République de Maurice reste solidement ancrée comme la seule « pleine démocratie » d’Afrique, la plupart des États stagnent ou reculent dans leur processus démocratique. Le Sénégal n’échappe pas à cette tendance. Classé 8e à l’échelle continentale et 74e sur 167 pays dans le monde, il glisse cette année dans la catégorie des régimes hybrides, une première depuis plusieurs années.
 
 
 
L'indice de démocratie 2024 de l'EIU met en lumière les tendances de la démocratie à l'échelle mondiale en 2024, l'indice annuel enregistrant une baisse de son score total de 5,23 en 2023 à 5,17. L’indice global de démocratie est passé de 5,52 en 2006 à un niveau historiquement bas de 5,17 en 2024, lorsque 130 pays sur les 167 couverts par l’indice ont enregistré une baisse de leur score ou n’ont connu aucune amélioration.
Plus d'un tiers (39,2%) de la population mondiale vit sous un régime autoritaire. Soixante pays sont désormais classés comme « régimes autoritaires », soit une augmentation d'un par rapport à l'indice de 2023 et de huit par rapport à 2014, il y a dix ans.
L’indice EIU, outil de référence dans l’évaluation de la santé démocratique mondiale, se base sur cinq critères fondamentaux : le processus électoral et le pluralisme, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique, la culture politique et les libertés civiles. Chaque pays est noté sur une échelle de 0 à 10, ce qui permet ensuite de les classer en quatre types de régimes : pleine démocratie, démocratie imparfaite, régime hybride et régime autoritaire.
Le Sénégal, avec un score qui n’a pas été révélé dans le rapport public, mais suffisant pour lui valoir la 74e place mondiale, perd ainsi son statut de démocratie imparfaite. Il se retrouve désormais aux côtés de pays comme le Malawi, la Zambie ou encore le Liberia, considérés comme des systèmes à la démocratie fragile, où les élections existent mais sont souvent entachées de contestations, de restrictions de libertés ou de fonctionnement institutionnel défaillant.
 
Un recul préoccupant, mais une position régionale notable
 
Ce déclassement du Sénégal intervient dans un contexte politique tendu, marqué notamment par l’instabilité préélectorale qui a entouré la présidentielle de 2024, les contestations autour du report du scrutin, les restrictions de libertés publiques et la méfiance croissante d’une partie de la population à l’égard des institutions.
Malgré tout, le Sénégal reste le pays le mieux classé de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et le troisième d’Afrique de l’Ouest, derrière le Ghana (65e mondial) et le Cap Vert (70e). Ce classement rappelle le rôle historique du Sénégal en tant que pôle démocratique de la sous-région, même si cette position est aujourd’hui fragilisée.
Sur le plan continental, la République de Maurice domine toujours le classement, avec un score de 8,23 points sur 10, ce qui en fait la 20e démocratie mondiale. Elle est suivie du Botswana (35e), du Cap-Vert (37e), de l’Afrique du Sud (43e), de la Namibie (58e) et du Ghana (65e), tous considérés comme des « démocraties imparfaites ». Aucun autre pays africain ne franchit ce seuil.
Derrière, la majorité des pays africains (27 au total) restent classés comme régimes autoritaires, parmi lesquels figurent notamment le Rwanda, l’Éthiopie, le Togo, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la Guinée ou encore la République démocratique du Congo. Seize autres pays, dont le Sénégal, sont considérés comme des régimes hybrides, caractérisés par des élections souvent contestées, un pouvoir judiciaire peu indépendant et un affaiblissement des libertés fondamentales.
 
Un recul global de la démocratie dans le monde
 
Le rapport 2024 de l’EIU révèle également une tendance mondiale à la dégradation démocratique. Le score moyen mondial s’établit à 5,17 points, contre 5,23 en 2023, atteignant ainsi son niveau le plus bas depuis la création de l’indice en 2006. Seuls 71 pays dans le monde sont aujourd’hui considérés comme des démocraties (pleines ou imparfaites), contre 74 l’année précédente. À l’inverse, les régimes autoritaires sont passés à 60, soit un de plus qu’en 2023.
Cette régression touche particulièrement l’Afrique subsaharienne, qui affiche un score moyen en baisse à 4,00, en raison notamment de la consolidation du pouvoir par les régimes militaires dans plusieurs pays. Si aucun nouveau coup d’État n’a été recensé en 2024, des juntes comme celles du Mali, du Niger ou du Burkina Faso ont renforcé leur mainmise sur l’appareil d’État, marginalisant les contre-pouvoirs et restreignant davantage les libertés civiles.
 
Une alerte démocratique pour le Sénégal ?
 
La position du Sénégal dans ce classement pourrait servir de signal d’alarme, à la fois pour les autorités et pour les forces vives de la nation. Le pays, souvent présenté comme un modèle démocratique dans une région instable, voit aujourd’hui son image écornée. Les tensions autour des élections de 2024, la restriction des libertés numériques, la mise en détention d’opposants politiques, ou encore la défiance croissante vis-à-vis des institutions sont autant de facteurs qui ont sans doute pesé dans cette évaluation.
Reste à savoir si le nouveau gouvernement, né de la victoire d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye, saura inverser cette tendance et restaurer pleinement la crédibilité démocratique du Sénégal dans les années à venir. L’enjeu est de taille, tant pour le pays que pour l’image de la démocratie en Afrique de l’Ouest.
 
 
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
 
 
LES ECHOS

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