La journée d’hier a pris un tournant spectaculaire lorsque les forces de l’ordre ont fait irruption dans les locaux du Groupe Futurs Médias pour procéder à l’arrestation de Babacar Fall. L’opération, menée en pleine matinée, a été marquée par une intervention musclée, des arrestations connexes et une coupure soudaine des signaux de deux grandes chaînes de télévision sur la Tnt. Retour sur une séquence d’une rare intensité, vécue de l’intérieur par le personnel du groupe.
Une irruption brutale dans les locaux de Rfm
Peu après 9h, plusieurs policiers sont arrivés devant le siège du groupe et sont immédiatement dirigés vers les bureaux rédactionnels. Leur cible est précise : Babacar Fall. Les agents entrent sans sommation dans son bureau, l’entourent, lui notifient son arrestation et lui passent les menottes. Le journaliste n’a pas le temps de s’expliquer. Quelques secondes suffisent pour qu’il soit escorté vers la sortie, sous les yeux stupéfaits des employés.
Pour les journalistes présents, la scène est rapide et choquante. L’intervention a été menée avec fermeté, sans permettre de filmer ou de documenter ce moment devenu central dans l’actualité du jour.
Le technicien Abdou Thiam interpellé pour avoir filmé
Alors que les policiers procèdent à l’interpellation du rédacteur en chef, un technicien du groupe, Abdou Thiam, filme discrètement la scène avec son téléphone, selon le journaliste Cheikh Tidiane Diagne. Le geste est immédiatement repéré par les policiers. Ils se dirigent vers lui, le saisissent et l’arrêtent à son tour. Les agents confisquent son téléphone afin de vérifier s’il a enregistré des images susceptibles de circuler à l’extérieur.
Abdou Thiam est placé en garde à vue pour audition. Il reste entre les mains des enquêteurs toute la journée. Il ne sera finalement libéré qu’aux environs de 17 heures, après que les policiers ont vérifié le contenu de son appareil et écarté tout risque de diffusion d’images compromettantes. Au moment de sa remise en liberté, l’audition de Babacar Fall, elle, se poursuivait toujours.
L’arrestation puis la libération rapide de Cheikh Tidiane Diagne
Un autre collaborateur du groupe, Cheikh Tidiane Diagne, est également interpellé dans la foulée. Comme pour Abdou Thiam, les policiers saisissent son téléphone et examinent son contenu. Leur objectif est toujours le même : savoir s’il a filmé ou enregistré quoi que ce soit relatif à l’opération en cours.
Après les vérifications nécessaires et aucune image constatée, Cheikh Tidiane Diagne est libéré dans la matinée. Cette arrestation éclair a néanmoins ajouté à la tension palpable qui règne déjà dans les locaux.
Les charges qui pèsent sur Babacar Fall
Les autorités reprochent au journaliste plusieurs infractions dans le cadre de l’enquête ouverte après la diffusion d’un entretien jugé sensible avec une personne visée par un mandat d’arrêt. D’après Me Aboubacry Barro, son client est poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles, acte de nature à compromettre la sécurité de l’Etat. Pour ce qui relève de la situation de l’état de santé évoqué par les avocats, le médecin du mis en cause a été auditionné. Ces accusations constituent une base légale lourde, justifiant, selon les enquêteurs, l’interpellation immédiate du responsable éditorial.
Une journée de pressions médiatiques avec la coupure des signaux de Tfm et 7Tv
Alors que l’affaire secoue l’opinion et que les premières images de la tension interne au groupe commencent à circuler sur les réseaux sociaux, un autre fait majeur se produit. Les signaux de deux grandes chaînes du paysage audiovisuel sénégalais, Tfm et 7Tv, sont coupés sans préavis.
La coupure touche d’abord Tfm, une chaîne appartenant également au Groupe Futurs Médias. Quelques minutes plus tard, c’est au tour de 7Tv de disparaître de l’écran. Les téléspectateurs constatent un écran noir ou un signal indisponible. Les employés des chaînes, eux, n’ont reçu aucune explication technique immédiate.
Cette suspension simultanée de deux médias majeurs en pleine affaire judiciaire est largement interprétée comme un signe supplémentaire de la tension entre les autorités et certains organes de presse. Elle renforce le sentiment d’un climat de pression généralisée dans une journée déjà particulièrement agitée.
Une audition qui se prolonge jusqu’en fin d’après-midi
Conduit dès le matin au commissariat central, Babacar Fall est interrogé pendant plusieurs heures. Les enquêteurs cherchent à clarifier son rôle dans la diffusion de l’interview incriminée, les conditions de production du contenu et les responsabilités internes dans sa mise à l’antenne. À la fin de l’après-midi, son audition se poursuit encore, alors que le personnel du groupe tente de comprendre l’étendue des implications et les possibles suites judiciaires.
Une journée marquée par la sidération et l’inquiétude
L’arrestation brutale de Babacar Fall, la mise en garde à vue d’un technicien, la brève détention d’un collaborateur supplémentaire, les charges lourdes retenues et la coupure mystérieuse des signaux télévisés ont créé un climat inédit au sein du Groupe Futurs Médias. Les employés oscillent entre incompréhension, crainte et attente de clarifications.
Cette journée restera comme l’une des plus tendues de l’histoire récente du paysage médiatique sénégalais, révélant les lignes de fracture croissantes entre le travail journalistique et certaines zones sensibles du pouvoir judiciaire et sécuritaire.
Samba THIAM