CRISE SILENCIEUSE DANS LE DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LA VIE CHÈRE : Les 1000 volontaires de la consommation dénoncent leur situation précaire et interpellent l’État




 
 
Recrutés en grande pompe par le ministère de l’Industrie et du Commerce pour réguler les prix des denrées de première nécessité, les 1000 volontaires de la consommation s’estiment aujourd’hui abandonnés. Dans un communiqué rendu public, ils dénoncent des promesses non tenues, l’absence de formation et de rémunération, ainsi que l’utilisation « mensongère » de leur image à des fins de communication politique. Ils en appellent directement au Premier ministre Ousmane Sonko.
 
Lancé le 18 mars 2025 par le ministre de l’Industrie et du Commerce, Serigne Guèye Diop, le programme des 1000 volontaires de la consommation avait suscité un immense engouement. En moins d’une semaine, plus de 40.000 candidatures avaient afflué, signe de l’attente des jeunes face au chômage et de l’intérêt porté à cette initiative censée marier régulation économique et insertion professionnelle. Les volontaires retenus devaient appuyer les contrôleurs économiques déjà déployés, afin de surveiller près de 60.000 boutiques à l’échelle nationale. Leur mission : veiller au respect des prix plafonnés par l’État, signaler les abus, collecter des données sur les denrées de base, et être des relais de la politique de protection des consommateurs.
Mais, cinq mois après ce lancement en fanfare, les 1000 volontaires font entendre leur voix, et elle est lourde de désillusion. Dans un communiqué incendiaire, ils décrivent une réalité bien éloignée des promesses initiales. « Depuis plusieurs mois, nous avons été recrutés, sélectionnés, et avons signé nos contrats de prestation couvrant la période du 1er au 15 juillet. On nous avait informés que la formation débuterait le 17 juillet, mais jusqu’à présent rien n’a été fait et aucune explication ne nous a été fournie », écrivent-ils.
Les volontaires assurent qu’en plus de l’absence de formation, aucune mission officielle ne leur a été confiée et aucune rémunération n’a été versée, alors que le ministère avait annoncé un salaire mensuel de 100.000 F Cfa, assorti d’une indemnité téléphonique. Cette attente interminable, à laquelle s’ajoute une communication institutionnelle jugée trompeuse, nourrit leur colère. Ils dénoncent en effet le fait que leurs images aient été utilisées par le ministère lors du Magal de Touba et, plus récemment, en marge du Gamou, pour donner l’impression qu’ils étaient déjà opérationnels sur le terrain. Une instrumentalisation que les intéressés qualifient de « manipulation » et qu’ils « rejettent fermement ».
Le malaise est accentué par la question sensible des paiements. Selon le communiqué, les volontaires avaient communiqué leurs coordonnées bancaires et numéros de téléphone pour faciliter le transfert des rémunérations via le Trésor public. Mais à ce jour, aucun versement n’a été effectué. « Nous avons appris que nos numéros de téléphone et les modalités de paiement que nous avions choisis ont été transférés au Trésor public, et qu’il ne resterait qu’à faire les virements pour le mois de juillet. Or, à ce jour – alors que nous sommes en août – nous n’avons rien reçu », regrettent-ils.
Face à cette situation, les volontaires interpellent directement le chef du gouvernement : « Monsieur le Premier Ministre Ousmane Sonko, nous vous demandons solennellement de prendre vos responsabilités face à cette situation. Le ministère de l’Industrie et du Commerce agit d’une manière que nous, volontaires de la consommation, désapprouvons totalement. »
L’appel n’est pas anodin. Car derrière ce programme, se joue une partie sensible de la politique économique et sociale du Sénégal : la lutte contre la vie chère, qui a été l’un des thèmes centraux du discours du gouvernemental depuis l’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko.
En donnant la parole à des volontaires qui s’estiment trahis, le communiqué met en lumière un décalage entre les ambitions affichées et leur mise en œuvre concrète. Les volontaires assurent ne pas vouloir rompre avec la mission pour laquelle ils se sont engagés. Ils disent rester « prêts à servir le pays, à accompagner la politique de souveraineté et de justice sociale », mais exigent en retour « le respect de [leurs] droits, la transparence dans les démarches et des actes concrets ».
Au-delà de la frustration des 1000 volontaires, c’est tout le dispositif de contrôle des prix qui est fragilisé. Car sans leur implication, les 200 contrôleurs économiques actuellement en service apparaissent largement sous-dimensionnés face aux dizaines de milliers de points de vente à surveiller. Le risque est grand que les efforts de régulation se limitent à des annonces sans portée réelle sur le quotidien des Sénégalais.
L’affaire pose enfin une question politique plus large : celle de la crédibilité de l’action publique lorsqu’elle promet des mesures de rupture mais laisse s’installer des lenteurs, des blocages administratifs ou des manœuvres de communication qui décrédibilisent les intentions initiales.
En attendant une réaction officielle du ministère de l’Industrie et du Commerce ou de la Primature, les volontaires annoncent vouloir poursuivre leur mobilisation et en appellent aux citoyens, aux médias et aux autorités compétentes pour relayer leur cri d’alarme. Le programme des 1000 volontaires de la consommation, qui devait symboliser une réponse innovante à la vie chère, risque ainsi de devenir l’illustration d’une promesse sociale en suspens.
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
 
 
 
 
LES ECHOS

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