Le Sénégal est-il à la croisée des chemins démocratiques ? Entre soupçons de corruption, gestion opaque, dérives autoritaires et délitement des services de base, le député Papa Djibril Fall tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Lors d’un point de presse tenu ce mardi 1er juillet, il a dénoncé avec force ce qu’il qualifie de « véritable problème de gouvernance » sous le tandem Sonko-Diomaye. Focus sur un dossier explosif : l’affaire Aser.
Aser, un scandale qui s’épaissit
Papa Djibril Fall est revenu sur le dossier de l’Agence sénégalaise d'électrification rurale (Aser). Après avoir fustigé le limogeage de l’ancien directeur général de l’Agence nationale de la commande publique (Arcop) dont le ‘’seul tort a été de suspendre le projet’’, il a dénoncé la lenteur et le silence assourdissant des instances judiciaires. «Aucune décision. Aucun éclaircissement. Ce qui soulève de sérieuses interrogations sur l’indépendance de la justice dans ce pays», martèle le député. Il a aussi déploré le fait que le bureau de l’Assemblée nationale ait ignoré l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire qu’il a réclamée. Face à cette inertie, il prévient : «des juridictions internationales spécialisées dans la lutte contre la corruption seront saisies. Nous ne laisserons pas ce projet mourir dans le silence, alors que des villages attendent toujours la lumière», clame-t-il, documents à l’appui.
Quand le Premier ministre menace, le député réplique
L’affaire Aser n’est qu’un fragment du tableau sombre dressé par l’ancien journaliste. Sa charge politique s’est également adressée directement au Premier ministre Ousmane Sonko, coupable, selon lui, de dérives verbales et autoritaires. En visite en Chine, Sonko déclarait récemment : «seuls ceux qui devraient se taire prennent la parole. Ils devraient raser les murs.» Réponse sèche du député : « il n’y a pas de murs à raser car vous avez tout mis à terre. Si vous avez des tentations à la dictature, sachez que cela ne passera pas. Le Sénégal est un pays de résistants, pas un territoire à dompter». Il accuse le régime actuel d’avoir transformé la majorité parlementaire en «robots dociles», incapables de s’émanciper des consignes venues d’en haut.
Des militaires oubliés, des familles abandonnées
Autre dossier évoqué, celui des militaires invalides, complètement ignorés, selon lui, par les autorités. «Ils sont 1024 à attendre reconnaissance, aides ou indemnités. Ce sont eux qui méritent les 5 milliards de francs Cfa récemment distribués à des pilleurs et casseurs. Pas ceux qui ont défié l’État», affirme-t-il. Pape Djibril Fall de s’insurger également contre l’absence totale de base légale dans cette distribution de fonds publics.
La situation est d’autant plus dramatique que les bourses familiales ont été supprimées, rendant le monde rural encore plus vulnérable, dans un contexte de crise agricole imminente. «La dernière campagne est un échec. L’insécurité alimentaire plane désormais sur dix régions du pays», alerte le député.
Kidnapping, silence et chaos
Le parlementaire a également évoqué l’enlèvement d’un médecin militaire par des éléments présumés du Mfdc, le 15 avril dernier. «L’État garde le silence. L’omerta est complète. C’est inacceptable», fulmine-t-il, en appelant les journalistes à rompre l’indifférence et médiatiser l’affaire.
Un climat de harcèlement et d’asphyxie
Papa Djibril Fall a aussi brossé le portrait d’un pays en voie d’asphyxie économique, morale et démocratique. Il dénonce un harcèlement fiscal sans précédent envers les entrepreneurs sénégalais, contraints de «faire la queue à la Primature ou de supplier à la Direction des impôts». Certains, selon lui, fuient le pays, faute d’un climat propice au développement et à l’investissement. «Le Sénégal est devenu un enfer fiscal. On fabrique la répression à la chaîne. On déboulonne les opposants comme Barthélemy Dias, on emprisonne des activistes comme Abdou Nguer, Assane Diouf, Bachir Fofana ou encore Moustapha Diakhaté», martèle-t-il.
Baye Modou SARR