La Chambre pénale de la Cour suprême a évoqué hier le pourvoi en cassation de Ousmane Sonko dans l’affaire qui l’oppose à Mame Mbaye Niang. Les conseils du leader de l’ex Pastef Les Patriotes ont d’entrée soulevé une exception d’inconstitutionnalité estimant que l’article 260 du code pénal, sur le fondement duquel leur client a été condamné, n’est pas conforme à la constitution. Ils ont demandé à la Cour de sursoir à statuer et de renvoyer devant le Conseil constitutionnel pour régler cette question avant de pouvoir examiner le fond du dossier. En réponse, le juge Abdourahmane Diouf a joint l’exception au fond, contrairement à leur demande, avant de les appeler à développer leurs moyens. Mes Ciré Cledor Ly et Cie ont ainsi développé 5 moyens avec 15 branches, tirés de la violation de la loi, du défaut de base légale, l’insuffisance de motifs, de la nullité de l’arrêt, de la dénaturation.
Me Bamba Cissé : «il ne faut pas s’inscrire dans l’agenda et le temps des politiques. Vous êtes au-dessus de Ousmane Sonko, et de Macky Sall»
Dans sa plaidoirie axée principalement
sur l’exception d’inconstitutionnalité, Me Bamba Cissé a souligné à la Cour qu’il s’agit d’abord d’une question préjudicielle et qu’elle est tenue, en quelque sorte, de statuer d’abord, avant d’entamer le fond. Me Cissé a également attiré l’attention de la Cour que la loi ne dit pas «sous quelle forme et à quel moment» cette exception peut être soulevée. Poursuivant sur le bien fondé de leur exception, la robe noire précise que les textes n’exigent que deux choses, c’est-à-dire la recevabilité du pourvoi et la compétence de la Cour. A l'en croire, si ces deux conditions sont réunies, la Chambre pénale a l’obligation de transférer le dossier au Conseil constitutionnel. Me Cissé a brandi l’ordonnance de la Cour suprême dans l’affaire opposant Ousmane Sonko à Adji Sarr pour fonder ses propos. «Vous n’avez pas à examiner le fond pour voir si les moyens sont recevables», a martelé Me Cissé. Par ailleurs, l’avocat a souligné que Mame Mbaye Niang, dans sa citation, a mentionné qu’il est un cadre de l’aviation civile et le juge l’a présenté comme un ministre en appliquant l’article 260 du code pénal. Selon lui, l’article 260 visé n’est pas conforme à la constitution. «Les décisions survivent à vous et resteront dans l’histoire. Il ne faut pas s’inscrire dans l’agenda et le temps des politiques. Vous êtes au-dessus des politiques, au-dessus de Ousmane Sonko et de Macky Sall», a finalement conclu Me Bamba Cissé.
Me Ndoumbé Wane : «En matière de diffamation, il ne peut pas y avoir de contrainte par corps»
«L’article 260 du code pénal est la pierre angulaire du litige», a souligné à l’entame de sa plaidoirie, Me Ciré Cledor Ly. Selon lui, cet article est contraire à la constitution, notamment en son article 8 mais également aux pactes internationaux ratifiés par l’Etat. Pour sa part, Me Ndoumbé Wane s’est appesantie sur la violation de la loi qu’ils ont soulevée dans leur premier moyen. Elle soutient que Ousmane Sonko n’a pas reçu une citation à comparaitre et il n’avait pas connaissance non plus de la date de l’audience. Ainsi, pour elle, le juge est passé à côté en retenant qu’il s’agit d’une audience de défaut réputé contradictoire. L’autre erreur du juge, dit-elle, c’est lorsqu’il fixe la contrainte par corps alors que le premier juge ne l’avait pas fait. Elle estime que l’article 711 du code de procédure pénale précise qu’en matière de diffamation, il ne peut y avoir de contrainte par corps.
Rebondissant sur l’argument de sa consœur, Me Macodou Ndour brandit une jurisprudence de 1992 pour confirmer que l’article 399 du CPP a été violé.
Me Ousmane Thiam : «c’est le sort d’une décision de justice qui est en jeu ici et non le sort d’une nation»
Prenant la parole pour le compte de Mame Mbaye Niang, Me Ousmane Thiam a battu en brèche les arguments des conseils de Sonko. «C’est le sort d’une décision de justice qui est en jeu ici et non le sort d’une nation, comme on veut vous le faire croire», a-t-il d’emblée démarré. La robe noire souligne d’abord que la défense de Sonko a fait une requête additionnelle, pour soulever l’exception d’inconstitutionnalité. Selon lui, cela est irrecevable. Il soutient que ses adversaires ont, en sus, évoqué des moyens nouveaux qui n’ont pas été développés dans la requête initiale, ce qui est une cause d’irrecevabilité, dit-il. A l’en croire, la défense a tout faux de dire que son client n’avait pas connaissance de la citation à comparaitre. Car, la Sureté urbaine, sur instruction du Procureur, lui a remis la citation. La robe noire souligne par ailleurs que si, par extraordinaire, la diffamation était considérée comme une infraction politique, il y a le délit d’injure qui a été retenu et qui peut justifier la contrainte par corps.
Me Souleymane Soumaré, toujours du côté de la partie civile, a axé sa plaidoirie sur l’exception d’inconstitutionnalité. Il a demandé à la Cour de la déclarer irrecevable.
A son tour, Me Baboucar Cissé a d’entrée martelé que le «rapport complémentaire des avocats d’Ousmane Sonko est inexistant parce que la Cour n’a pas été régulièrement saisie». Selon lui, les avocats de la défense devaient d’abord passer par le greffe de la Cour suprême qui est un passage obligatoire pour une procédure régulière. Ainsi, pour lui, la Cour doit même écarter son rapport complémentaire. «Vous pouvez ignorez totalement cette exception», martèle-t-il encore. Répondant à Me Ciré Clédor Ly, le conseil de Mame Mbaye Niang se demande en quoi l’article 8 de la constitution a été violé. Si l’article parle de liberté de la presse et de liberté d’expression, elle ne veut pas parler de «liberté de diffamer», précise Me Baboucar Cissé sur un ton ferme.
A.D