Les syndicalistes des opérateurs de téléphonie, des Postes et des Télécommunications se sont dressés contre les coupures intempestives d’Internet des données mobiles. Face à la presse, ils ont chiffré le préjudice des opérateurs à trois milliards francs Cfa en plus de conséquences désastreuses à la population. Par conséquent, le collectif a décidé de dérouler un plan d’actions pour faire face à la tutelle qui considère leur gagne-pain comme une console de jeux.
A la suite de l’indignation généralisée des Sénégalais face aux coupures d’internet des données mobiles devenues monnaie courante chaque fois qu’une manifestation politique est annoncée, le collectif des syndicats de Sonatel, Free et Expresso est monté au créneau pour mettre un terme aux dérives de la tutelle, en l’occurrence le ministre Moussa Bocar Thiam. «En dépit des crises politiques qui ont fait vaciller tous les régimes qui se sont succédé au Sénégal depuis les indépendances, jamais les Tic n’ont été l’arme de privation de ce qu’elles sont censées faciliter : la liberté d’expression. Le fallacieux prétexte de diffusion de messages haineux et subversifs constitue le seul argument d’un régime aux abois, tristement entré dans l’histoire des pourfendeurs jamais égalée des libertés et de la démocratie», charge d’emblée le collectif par la voix de Rose Marie Ballacoun Diouf, du Syndicat national des travailleurs des postes et des télécommunications (Sntpt).
Poursuivant, la syndicaliste n’a pas manqué de rappeler au ministre des Télécommunications que les causes de cette haine alléguée ont toujours été politiques. « Le 1er juin 2023 et le 31 juillet 2023, l’internet mobile a été restreint à la suite d’événements politico-judiciaires. Le 5 février 2024 encore, il a été coupé à la suite de la décision politique du président de la République de reporter l’élection présidentielle du 25 février 2024», précise Mme Diouf, avant de descendre en flammes son ministre de tutelle : «cette décision qui a suscité l’émoi des Sénégalais et de la communauté internationale est aujourd’hui, monsieur le ministre, la source des ‘’messages haineux et subversifs dans un contexte de troubles à l’ordre à public’’, conséquences du non-respect du calendrier républicain. Le seul courage qu’on attend de vous est d’arrêter de laisser apparaître que vous prenez la connexion internet via les données comme une console de jeux», fulmine la syndicaliste, persuadée que les coupures d’Internet sont une violation des droits de l’homme, une violation de la liberté d’expression, une violation du droit à l’information et une violation des droits économiques ...
13 jours de coupures d’Internet, les pertes évaluées à 3 milliards francs Cfa pour les opérateurs
Poursuivant, le collectif est revenu sur les conséquences désastreuses des coupures d’Internet sur l’économie et sur la population. «Du 2 juin 2023 au 13 février 2024, le ministre Moussa Bocar Thiam a opéré 13 jours de coupures d’internet mobile, soit en moyenne l’équivalent d’une journée et demie de coupure internet tous les mois, depuis juin 2023. Autrement dit, c’est un demi mois de coupure d’internet mobiles durant cette intervalle. Les pertes économiques sont colossales pour les opérateurs de télécommunications ; 3 milliards de francs Cfa, sans compter les préjudices socio-économiques des millions de clients. Sur le mobile money, 12 millions de Sénégalais vivront des perturbations pour faire des transferts d’argent, payer des rechargements Senelec, utiliser les Gab ; sur le télétravail : les travailleurs qui restent chez eux pour éviter les foyers de tension lors des manifestations sont aussi pénalisés et leurs employeurs avec ; sur le téléenseignement : sans l’internet mobile, il est impossible d’avoir un téléenseignement acceptable ; sur la santé : coordination des urgences, arrêt de certains équipements électroniques ; sur l’économie générale : ce sont tous les secteurs d’activités confondus qui seront impactés », explique le porte-parole du collectif.
Port de brassards, débrayage
En outre, le collectif décidé de mener le combat - dans un premier temps - à travers des actions de protestations pacifiques axées sur deux moyens de lutte : le port de brassards ; les journées de débrayage ou de présence négative.
Moussa CISS
MAMADOU LAMINE BADJI, SG DU SYTS
«le département du numérique est trop large pour les frêles épaules du ministre Moussa Bocar Thiam»
Le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la Sonatel (Syts), Mamadou Lamine Badji, a profité de cette conférence de presse pour apporter des réponses au ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Economie numérique, Moussa Bocar Thiam. Ainsi, contrairement aux propos du ministre faisant croire que les coupures sont faites pour assurer la sécurité des populations, le syndicaliste s’est inscrit en faux. «Si ces coupures se justifient pour la défense de la sécurité des Sénégalais, force est de constater, après les coupures de juin, juillet et de février, soit au total 13 jours de privation d’Internet, que ce remède ne marche pas. Les crises sont plutôt politiques et l’internet n’a rien à voir avec ça», précise le syndicaliste. Poursuivant, il est d’avis que le département du numérique est trop large pour les frêles épaules du ministre de tutelle. «Dans les pays sérieux, on ne donne pas à un ministre de son rang un département aussi stratégique que le numérique. En France et dans les pays européens, ce département est géré par le ministre de l’Economie, à défaut d’être érigé en département et confié à un ministre respectable sur le plan international», ajoute le syndicaliste, convaincu que son «patron» de ministre ne connaît rien de l’intelligence artificielle. Il ne fait que réciter, dit-il.
A la décharge des opérateurs, il estime que ces derniers ne peuvent rien contre l’Etat qui se fonde sur le Code des communications électroniques et le cahier des charges pour s’arroger tous les pouvoirs. En face, les opérateurs, dit-il, ne peuvent qu’exécuter au risque de voir leur licence retirée.
M.CISS