L’audition d’hier jeudi 13 février 2025 de Farba Ngom, maire des Agnam, a attiré une foule nombreuse devant le Pool judiciaire financier (Pjf) à Dakar. Convoqué dans le cadre d’une enquête sur un présumé blanchiment de capitaux estimé à 125 milliards de francs Cfa, Farba Ngom a été entendu hier par le juge du 1er cabinet du Pool judiciaire financier. Farba Ngom est sorti libre de son audition. Il a toutefois été convoqué une nouvelle fois pour le 27 février prochain.
Comme on pouvait s’y attendre, au regard des effets d’annonce, l’audition du ponte de l’ancien régime, Mouhamadou Ngom dit Farba, a suscité une mobilisation massive de ses soutiens. Dès les premières heures de la matinée, des centaines de partisans se sont rassemblés aux abords du Pjf pour manifester leur soutien à Farba Ngom. Parmi eux, de nombreux responsables politiques de l’ancien régime, venus afficher leur solidarité. L’ancien ministre de la Communication et maire de Ourossogui, Moussa Bocar Thiam, avait d’ailleurs appelé, la veille, «tous les Sénégalais épris de justice à se rassembler devant le Pool financier pour soutenir l’honorable député Farba Ngom».
Tensions et interventions policières
Dès le matin, des centaines de sympathisants, arborant des tee-shirts et des pancartes à l’effigie du maire des Agnam, se sont rassemblés devant le siège du Pjf, scandant des slogans en sa faveur. Parmi eux, de nombreuses figures politiques de l’ancien régime ont été aperçues, témoignant de la dimension hautement politique de cette convocation.
La tension est montée d’un cran lorsque les forces de l’ordre, présentes en nombre pour encadrer le rassemblement, ont restreint l’accès aux abords du bâtiment. Plusieurs militants ont tenté de forcer les barrières de sécurité installées par la police, ce qui a provoqué des bousculades et des échanges vifs entre manifestants et forces de l’ordre.
Face à l’augmentation de la pression, les agents de police ont procédé à des sommations pour disperser la foule. Mais certains partisans de Farba Ngom, déterminés à rester sur place, ont continué à manifester bruyamment, dénonçant une «justice à deux vitesses». Finalement, la situation a dégénéré lorsque les forces de sécurité ont fait usage de gaz lacrymogène pour contenir la foule et éviter toute tentative d’intrusion dans l’enceinte du Pjf.
Malgré ces tensions, aucun incident grave n’a été signalé. Les manifestants, bien que repoussés par les forces de l’ordre, sont restés à proximité du tribunal jusqu’à la sortie de leur leader.
Une sortie saluée par les partisans
Après environ trois heures d’audition, Farba Ngom est sorti des locaux du Pjf aux alentours de 13 heures, accompagné de ses avocats. À sa sortie, ses partisans ont éclaté en applaudissements et cris de joie, exprimant leur soutien indéfectible.
Une défense entre prudence et fermeté
À l’issue de l’audition de Farba Ngom devant le Pool judiciaire financier (PJF), Me Doudou Ndoye, qui s’est exprimé au nom du collectif de défense, a insisté sur le fait que leur client «rentre chez lui libre», tout en rappelant que l’affaire suit son cours et que la défense aura l’occasion d’apporter des éclaircissements lors des prochaines étapes de la procédure. «Nous espérons pouvoir nous reposer et être avec les juges dans 15 jours pour poursuivre les éclairages que nous allons apporter à notre société», a déclaré Me Ndoye, dans une volonté d’afficher une posture sereine et coopérative vis-à-vis de la justice. Il a cependant précisé que les charges retenues contre Farba Ngom restent couvertes par le secret de l’instruction, soulignant ainsi que la défense ne pouvait pas entrer dans les détails du dossier pour l’instant.
D’autres avocats du collectif, à l’instar de Me Antoine Mbengue et Me Amadou Sall, ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme une procédure «hautement politisée», en lien avec la situation actuelle du pays. «Il y a un acharnement évident contre certaines personnalités de l’ancien régime, et nous veillerons à ce que le droit soit appliqué avec équité», a déclaré Me Mbengue, qui a mis en garde contre toute instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Les avocats de Farba Ngom ont également insisté sur leur volonté de se battre sur le terrain du droit, en contestant certaines décisions de justice qu’ils jugent excessives. «Notre client est prêt à répondre à toutes les questions qui lui seront posées, mais nous demandons que cette affaire soit traitée avec rigueur et impartialité», a martelé Me Doudou Ndoye.
Ils ont également exprimé des inquiétudes quant à la médiatisation de l’affaire, pointant du doigt la diffusion rapide d’informations parfois inexactes. Selon Me Moussa Bocar Thiam, membre du collectif de défense, «il est primordial que l’opinion publique ne soit pas influencée par des récits biaisés», rappelant ainsi l’importance du respect du secret de l’instruction et du principe de présomption d’innocence. L’équipe d’avocats a terminé son intervention en réitérant sa confiance en la justice, tout en mettant en garde contre toute tentative de manipulation politique. « Nous sommes des hommes de droit, nous nous battrons avec les armes du droit, et nous ferons en sorte que la vérité éclate », a conclu Me Doudou Ndoye avant de quitter les lieux en compagnie de son client.
Une nouvelle convocation dans 15 jours
Le face-à-face avec le juge d’instruction du Pool financier n’a finalement pas eu lieu, pour Farba Ngom. L’audition a été reportée au 27 février prochain. En fait, ce sont les avocats du maire des Agnam qui ont demandé le renvoi, pour leur permettre de bien prendre connaissance du dossier et d’en discuter avec leur client. Le magistrat instructeur a donc accédé à leur demande, sans leur permettre d’emporter le dossier. Cependant, cela a été un combat, avec des plaidoiries en série, avant que le juge n’accède à leur demande. «Il fallait se battre pour des principes élémentaires du droit de la défense», nous confie un des avocats de la défense. Les conseils du maire des Agnam ont réussi à convaincre le juge qu’ils ne pouvaient pas convenablement défendre leur client, alors que ni le concerné ni eux-mêmes ne savent exactement ce qu’on leur reproche et que, pour le respect des droits de la défense, il leur fallait d’abord prendre connaissance du dossier et ensuite en discuter avec leur client.
La rencontre du 27 février promet déjà d’être houleuse. Cela sent un bras de fer aussi bien dans le cabinet du juge que dehors entre les partisans de Farba Ngom et les agents des forces de défense et de sécurité.
Sidy Djimby NDAO