CONTRIBUTION : Brésil vs Sénégal : Orange - Yas, l’autre match




 
Le match amical entre le Brésil et le Sénégal, un événement sportif de prestige, a involontairement soulevé une question complexe de droit du sport et de marketing télévisuel. L'apparition des logos de marques locales, dont Yas, sur les panneaux publicitaires virtuels de la diffusion Rts, en l'absence du partenaire exclusif de la Fsf, Orange, révèle les zones d'ombre contractuelles inhérentes aux compétitions internationales.
 
Le contrat exclusif face à la réalité du terrain
 
Le partenariat solide qui lie Orange à la Fsf (Fédération sénégalaise de football) est le point de départ de cette analyse. Renouvelé en 2022, ce contrat de quatre ans garantit à Orange l'exclusivité de sa catégorie, un droit fondamental acquis en échange d'un investissement substantiel.
Aujourd’hui, le Sénégal jouant à l'extérieur, les panneaux physiques du stade affichaient naturellement les sponsors de la CBF. C'est ici qu'intervient le Virtual Signage. Cette technologie permet au diffuseur (la Rts) de substituer numériquement les publicités vues par le téléspectateur. L'intention, souvent commerciale, est de monétiser l'audience locale en insérant des marques pertinentes pour le marché sénégalais.
Cependant, l'introduction de Yas, un concurrent direct d'Orange, pose une question de fond : dans quelle mesure l'exclusivité contractuelle est-elle protégée lorsque la réalité visuelle est modifiée par le diffuseur ?
 
Les zones d'ombre des accords internationaux
 
Le problème n'est pas seulement technique ; il est surtout contractuel. Pour un match amical international, la négociation des droits de retransmission est un processus complexe. L'opacité autour des arrangements entre les deux fédérations (Fsf et CBF) et le diffuseur (Rts) rend l'analyse difficile.
Il serait essentiel de connaître les réponses aux questions suivantes pour déterminer les responsabilités :
Partage des droits : La Fsf avait-elle conservé une part des droits de retransmission pour le territoire sénégalais, ou la CBF a-t-elle géré l'intégralité de la cession ?
Connaissance et validation : La Fsf était-elle informée et avait-elle validé l'intention de la Rts d'utiliser le Virtual Signage pour insérer des marques locales, compte tenu des obligations d'exclusivité envers Orange ?
Clauses contractuelles : Le contrat Fsf-Orange incluait-il des clauses spécifiques concernant la manipulation de l'image par la diffusion TV (anti-Virtual Signage) pour les matchs joués à l'étranger ?
Si la Fsf a manqué à son obligation de contrôler l'environnement médiatique de son partenaire, elle pourrait se retrouver en situation de non-respect de contrat, qu'il y ait eu intention commerciale ou simple négligence.
 
Un défi pour l'écosystème sportif
 
Cette situation met en lumière le décalage qui existe entre l'évolution rapide des technologies de diffusion et la nécessité d'adapter le cadre juridique du sponsoring. Le Virtual Signage est une épée à double tranchant : il permet de maximiser les revenus, mais il peut aussi facilement détruire la valeur de l'exclusivité sur laquelle reposent les partenariats majeurs.
L'enjeu va au-delà du seul cas d'Orange et Yas. Si les diffuseurs peuvent s'affranchir des contraintes contractuelles des fédérations, la confiance des investisseurs dans le sport s'en trouve fragilisée. Cela pose des questions sur la protection non seulement des partenaires locaux, mais aussi des sponsors de la CBF, dont la visibilité physique a été masquée.
On assiste à un cas d'école qui devrait inciter la Fsf et l'ensemble de l'écosystème sportif à clarifier et renforcer les clauses contractuelles relatives aux droits de diffusion . La survie à long terme des partenariats sportifs dépend de la capacité des organisations à garantir l'intégrité des droits qu'elles vendent.
 
Malick DIOUF, organisateur du Dakar Sport Summit
 
LES ECHOS

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