CONSULTATION A DOMICILE, AFFECTATION DE LEURS COLLEGUE SUITE A SON REFUS DE LIBERER UN DIGNITAIRE RELIGIEUX Les magistrats tapent du poing, fustigent «l’abus» et décident d’attaquer le «décret illégal»



L’affectation du juge Ngor Diop, président du Tribunal d’instance de Podor, à la Cour d’appel de Thiès, n’est pas du goût de l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Cette information relayée par la presse hier a été confirmée par le bureau exécutif de l’Ums, qui a sorti un communiqué pour «éclairer l’opinion», manifester son soutien à leur collègue et fustiger l’attitude de la chancellerie, qui «abuse de la consultation sur place» pour procéder à l’affectation des magistrats.
 
C’est la presse qui a donné l’information hier. En guise de sanction, le juge Ngor Diop, président du Tribunal d’instance de Podor, a été affecté via la consultation à domicile à la Cour d’appel de Thiès. Ce, pour avoir refusé de libérer une autorité religieuse qui était entre les mains de la justice. Dans un communiqué, l’Union des magistrats sénégalais (Ums) fustige cette attitude de la chancellerie. «Le magistrat Ngor Diop, président du Tribunal d’instance de Podor, a été affecté à la Cour d’appel de Thiès en qualité de conseiller par la procédure de consultation à domicile prévue par l’article 6 de la loi n°2017-11 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature».
Ce que Souleymane Teliko et Compagnie désapprouvent totalement car pour eux, la consultation à domicile ne doit pas se faire n’importe comment. «Cette procédure, qui ne se prête à aucune possibilité d’échanges entre les membres du conseil, ne devrait être utilisée qu’à titre exceptionnel. En effet, la lettre et l’esprit de l’article 6 précité ne l’autorise que pour des cas d’urgence avérée et relativement à des fonctions qui ne sont pas des postes de responsabilité. Par conséquent, l’affectation de M. Ngor Diop n’aurait jamais dû intervenir par cette voie», martèlent Souleymane Teliko et ses camarades. 
 
Usage abusif de la consultation à domicile
 
 
 
Trop c’est trop, pour l’Ums qui invoque l’article 6 du statut des magistrats qui stipule que même pour l’affectation, elle se justifie par une «sanction disciplinaire» ou les «nécessités de service clairement spécifiés». «Ainsi, sous réserve du cas de nécessités de service clairement spécifiés, tout magistrat doit donner son consentement préalable pour pouvoir être déplacé. N’ayant pas été consulté, M Diop ne pouvait être affecté qu’à la condition que les nécessités de service aient été dûment spécifiés, ce qui, en l’espèce, n’a pas été le cas». Souleymane Teliko et Cie de se demander: «d’ailleurs, comment prétendre justifier par des nécessités de service l’affectation de ce magistrat à la Cour d’appel de Thiès, alors qu’il est remplacé par un membre de cette même Cour ?», s’indignent les camarades de Souleymane Teliko. 
 
 
L’affectation de Ngor Diop: une mesure de représailles prise contre un magistrat qui a entendu agir en toute indépendance
 
 
Le communiqué de rappeler que l’affectation est survenue après que le juge Ngor Diop a placé sous mandat de dépôt un dignitaire religieux «poursuivi par des faits répétés et reconnus de dévastation de récolte, menace et voie de fait», et que malgré «les multiples interventions», il a refusé de libérer le dignitaire religieux qui écopera d’une peine de sursis à l’issue de son audience. «Dès lors, la procédure d’affectation, intervenue juste après, n’est, en définitive, qu’une mesure de représailles prise contre un magistrat qui a entendu agir conformément à son serment, en toute indépendance. Cela nous parait inacceptable !», martèlent encore le président de l’Ums et ses camarades. 
 
 
L’Ums va saisir la juridiction compétente pour l’annulation pure et simple de ce «décret illégal»
 
Les magistrats ont ainsi constaté qu’il y a un «usage abusif» de la procédure de consultation à domicile alors que cette question était réglée depuis le magistère de l’ancien ministre Ismaël Madior Fall. «Nous sommes désolés de constater que sur ce point un recul est en train de se dessiner au grand dam des magistrats», tapent-ils du poing sur la table. Ils en ont pour preuve l’affectation de leur camarade qui n’aura même pas comptabilisé deux ans à son poste. «Le bureau exécutif de l’Ums apporte tout son soutien au collègue Ngor Diop connu pour sa rigueur et sa haute conscience professionnelle. D’ores et déjà, il condamne fermement ce procédé qui constitue une atteinte grave à l’indépendance de la justice et à la dignité du magistrat et, en accord avec l’intéressé, a pris la décision ferme de saisir la juridiction compétente pour solliciter l’annulation pure et simple de ce décret illégal», pestent enfin les magistrats.
Alassane DRAME
 
 

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