CONSEIL NATIONAL DE RÉGULATION DE L’AUDIOVISUEL : (CNRA) Mamadou Oumar Ndiaye siffle la fin de la récréation sur les dérives médiatiques




 
 
À l’heure où les plateaux de télévision deviennent parfois le théâtre de joutes verbales incontrôlées, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) a décidé de hausser le ton. Son président, Mamadou Oumar Ndiaye, a lancé un avertissement solennel aux radios et télévisions, annonçant la tolérance zéro face aux dérives de langage et aux atteintes aux valeurs nationales.
 
 
 
Un atelier de sensibilisation sous le sceau de la fermeté
 
Réunis ce jeudi à Dakar, les rédacteurs en chef et responsables de programmes des radios et télévisions sénégalaises ont assisté à un atelier de sensibilisation inédit. L’initiative, portée par le Cnra, se voulait d’abord pédagogique. Mais le ton du président du Conseil a clairement marqué un tournant : fini la complaisance, l’ère de la « fermeté responsable » s’ouvre désormais. « Nous avons choisi de privilégier la sensibilisation et le dialogue, mais il faut être clair : aucune forme d’atteinte à nos valeurs ne sera tolérée », a averti Mamadou Oumar Ndiaye.
L’ancien journaliste, qui revendique 40 ans de carrière dans la presse, dit parler avec le « cœur lourd » face à des dérives qui « ternissent la réputation d’une presse autrefois citée comme modèle en Afrique francophone ».
 
 
 
La « tolérance zéro » comme doctrine
 
Le président du Cnra n’a pas mâché ses mots. Selon lui, les programmes audiovisuels doivent impérativement respecter la vie privée, l’intégrité du territoire national, la cohésion religieuse et confrérique, la diversité culturelle ainsi que les bonnes mœurs. « En fait, nous n’avons jamais toléré les écarts, mais désormais plus encore que par le passé, nous ferons preuve de fermeté », a-t-il martelé. Et de préciser : « un avertissement sera adressé à tout le monde, mais nous espérons qu’il sera suffisamment dissuasif pour éviter le carton rouge. »
Cette approche illustre la nouvelle doctrine du régulateur, conjuguer pédagogie et dissuasion, mais avec la menace réelle de sanctions si les dérives persistent.
 
 
 
Des dérives devenues alarmantes
 
Si la majorité des médias sénégalais remplissent leur mission avec professionnalisme, le Cnra constate une multiplication des entorses à l’éthique et à la déontologie. Les « francs-tireurs », selon Ndiaye, s’autorisent des propos et des contenus contraires à la responsabilité journalistique, dans un contexte où la spontanéité et la quête d’audience prennent parfois le pas sur la rigueur.
Le président du Conseil s’inquiète tout particulièrement des émissions interactives et débats télévisés, où les dérapages verbaux se multiplient. À ses yeux, ces excès ne sont pas de simples écarts de langage mais des « bombes potentielles » contre la stabilité sociale et institutionnelle.
 
 
 
Quand la liberté devient un risque
 
L’inquiétude du Cnra ne se limite pas à la capitale. Dans les régions frontalières, comme Kédougou et Tambacounda, les dérives médiatiques pourraient constituer un terreau fertile pour les discours extrémistes. « Nous n’avons aujourd’hui aucun moyen de savoir ce qui se dit dans certaines radios régionales. Cela pose un problème majeur, car l’absence de contrôle peut être exploitée par des idéologies dangereuses », a mis en garde Mamadou Oumar Ndiaye.
Il plaide pour la mise en place de structures décentralisées et d’équipements de monitoring, afin de rapprocher le régulateur des réalités du terrain, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays africains.
 
 
 
Une presse sénégalaise à reconstruire
 
Le Cnra, dont le nouveau collège a été installé en mai dernier, est désormais pleinement opérationnel. Après une phase d’imprégnation et le traitement des premiers dossiers, l’institution engage sa stratégie de régulation renforcée. Le message est clair, la liberté de la presse, pilier de la démocratie sénégalaise, ne saurait être un prétexte aux abus. « Le Sénégal a longtemps été cité comme une référence en matière de pluralisme médiatique. Il est temps de préserver cet héritage », a insisté Ndiaye.
 
 
 
La fin de la complaisance
 
En sifflant la fin de la récréation, le Cnra pose les jalons d’une nouvelle ère médiatique. Les journalistes, animateurs et responsables de programmes sont désormais avertis : la liberté de ton reste garantie, mais dans les limites du respect des lois, de l’éthique et des valeurs communes.
Entre la « carotte » de la sensibilisation et le « bâton » des sanctions, la presse sénégalaise est sommée de choisir son camp : celui de la crédibilité et du professionnalisme, ou celui des dérives, qui sera désormais sanctionné sans appel.
Baye Modou SARR
 
LES ECHOS

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