Alors que Serigne Touba Khadimou Rassoul, fondateur du Mouridisme, avait préféré l’adoration d’Allah aux parures éphémères de la vie, ce qui lui a valu toutes ces récompenses dont les «talibés mourides» profitent aujourd’hui avec largesse, on note une émergence grandissante du folklore lors de la célébration du Magal. Si on s’offusquait des «écarts» de Adjiaratou Ngoye Fall ces dernières années, lors de cette 131e édition du Magal, nous avons eu droit à un véritable défilé de mode. Entre Mame Ndiaye Savon, Mamy Cobra, Toutou Astou, Fanta Mboup et Diodio Glow, des commerçantes et influenceuses sur Tiktok, nous avons assisté à un «battle de sagnsé». Ces influenceuses, parées d’or et de tenues somptueuses, se livrent une bataille d’images.
Si les autorités religieuses de Touba ne prennent pas de mesures sur ce nouveau phénomène de folklore lors du Magal de Touba, la situation risque de prendre des proportions inquiétantes durant les prochaines années. Le grand Magal de Touba est, avant tout, une commémoration religieuse. Un moment de recueillement, de prières et de gratitude, mais certains «talibés mourides» semblent ne pas saisir cette quintessence religieuse.
Et avec l’essor des réseaux sociaux, et plus particulièrement de TikTok, cette solennité se retrouve concurrencée par un autre spectacle : celui des parures scintillantes, des défilés improvisés et des shootings orchestrés avec la précision d’une campagne publicitaire. Leur Magal se déroule sous un orage de flashs, dans des lives TikTok haletants.
Autrefois, cette “exhibition” portait un nom : Ngoye Fall. Figure iconique, elle s’était imposée comme la star du Magal par ses élégantes tenues, ses parures en or et ses apparitions soigneusement mises en scène le jour J.
Cette année, le trône n’est plus occupé par une seule reine, parce que d’autres «Ngoye Fall» ont émergé. Une nouvelle génération d’influenceuses est entrée dans l’arène, transformant la célébration religieuse en une compétition de prestige qui se joue sur plusieurs jours.
Depuis presque une semaine, certaines se sont installées à Touba avec leur équipe de maquilleurs, coiffeurs, photographes, vidéastes pour capturer chaque tenue, chaque bijou, chaque détail. Mame Ndiaye Savon, vendeuse de produits éclaircissants et d’accessoires, a ouvert le bal avec des vidéos détaillant ses tenues et ses parures. Inaugurant sa toute nouvelle maison à Touba, la jeune commerçante s’est montrée avec pas moins de 20 tenues, les unes plus riches que les autres et ces nombreuses parures en or.
Une vingtaine de tenues, des parures en or et des shootings avec la précision d’une campagne publicitaire
Fanta Mboup, une de ses «ex-amies», lui a emboîté le pas. Commerçante elle aussi, la jeune dame qui se dit pourtant talibé Cheikh, a aussi dévoilé son shooting avec de très belles et nombreuses tuniques. Toutou Astou, Diodio Glow et Mamy Cobra n’ont pas été en reste. Trois jours durant, leurs comptes TikTok se sont transformés en vitrines luxueuses, alimentées heure par heure.
Derrière cet affichage ostentatoire, une véritable compétition se dessine. Les “likes” sont les trophées, les partages deviennent les acclamations et les commentaires tranchants des internautes font office de verdicts. Les followers comparent, classent et n’hésitent pas à désigner leur “gagnante” du Magal, comme s’il s’agissait d’un concours officieux. Ici, pas de podium officiel, mais une scène numérique où chaque tenue est scrutée, critiquée, parfois ridiculisée, souvent encensée.
Khadidiatou D. GAYE
& Ndeye Khady D. FALL