Birahim Seck charge Sonko «Arrêtez de prendre la société civile pour prétexte de votre impuissance aiguë à gouverner»




 
 
 
Le Premier ministre Ousmane Sonko a lancé une charge virulente contre des organisations de la société civile sénégalaise, les accusant d’ingérence politique et de dépendance vis-à-vis de financements étrangers. Ses propos, particulièrement crus, ont provoqué une onde de choc, suscitant des réactions fermes de la part d’acteurs civils. Birahime Seck n’a pas porté de gants
 
 
 
 
 
 
Face à cette charge, la réaction du Forum civil, section sénégalaise de Transparency International, a été cinglante. Birahim Seck, son coordonnateur, n’a pas mâché ses mots. «Arrêtez de prendre la société civile pour prétexte de votre impuissance aiguë à gouverner. Elle était là avant vos cris de tribun, et elle survivra à la petite loi que vous proposerez. Les Sénégalais méritent plus qu’un chef en colère, sans profondeur et sans cap». Du côté du Groupe de recherche et d’appui conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec), on préfère la prudence. Babacar Fall, son représentant, indique qu’une concertation est en cours entre les différentes entités de la société civile pour formuler une réponse commune, «La déclaration du Pm doit être prise dans sa globalité. Nous échangeons avec nos partenaires pour construire une position partagée.»
 
 
Des anciens choqués appellent au calme
 
 
Un acteur chevronné de la société civile, ayant traversé plusieurs régimes, a quant à lui appelé à l’apaisement, préférant rester dans l’anonymat. Pour lui, la virulence du propos — notamment le terme «fumier» — marque une rupture dangereuse, « Avec l’âge, c’est la sagesse qui doit primer. La fougue est désormais derrière nous. Le mot "fumier", c’est trop fort. À partir de ce moment, je ne sais plus comment parler », confie-t-il, visiblement affecté. Ce vétéran rappelle néanmoins que de nombreuses structures ont fonctionné efficacement sans financement étranger, et que le véritable défi est de bâtir une société civile autonome. « J’ai toujours dit qu’il faut commencer à trouver des moyens de financement locaux. J’ai dit aux Africains : financez votre société civile », dit-il.
 
 
 
Vers un durcissement du régime ?
 
 
 
Les propos du Premier ministre s’inscrivent dans un contexte global de montée des populismes, où les contre-pouvoirs traditionnels sont régulièrement attaqués. Ce phénomène, observé dans de nombreuses démocraties, suscite l’inquiétude des observateurs quant à la direction prise par le nouveau régime sénégalais. Car derrière cette sortie polémique se profile une volonté de reconfiguration des rapports entre l’État et les corps intermédiaires. La société civile, historiquement active dans la consolidation démocratique au Sénégal, se retrouve désormais sous la menace d’une mise au pas.
En évoquant une future loi de restriction de financements étrangers qui viserait aussi bien les Ong que les partis politiques, Sonko franchit un pas vers un encadrement accru de l'espace civique, au nom de la souveraineté nationale. Mais au risque, préviennent ses détracteurs, de fragiliser davantage la démocratie sénégalaise.
 
 
Une fracture naissante ?
 
Ce clash frontal entre le pouvoir exécutif et les structures citoyennes révèle une fracture plus profonde entre un pouvoir politique qui se veut fort, parfois vertical, et une société civile ancrée dans le dialogue démocratique. Le Sénégal, longtemps perçu comme un modèle de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest, pourrait-il connaître un basculement dans ses équilibres institutionnels ? Le débat est désormais lancé. Mais si une chose est sûre, c’est que la société civile, malgré les menaces, n’a pas dit son dernier mot. Elle prépare, en silence, sa riposte.
Baye Modou SARR
 
 
 
 
 
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