Le coup de gueule du Sames section Roi Baudouin a fait sortir le directeur de l’hôpital de son mutisme. Cheikh Mbaye Seck défie quiconque de sortir des preuves contre les mesures qu’il a prises pour pointage et son refus d’accepter ce que réclament les médecins. Il a révélé qu’un enfant avait été déclaré mort alors qu’il vivait dans les tiroirs de la morgue où il est resté durant plusieurs heures.
Joint par téléphone, le directeur de l’hôpital lave à grande eau son honneur et charge les syndicalistes du Sames de Roi Baudouin. Cheikh Mbaye Seck n’a pas mâché ses mots pour dire ses quatre vérités au Sames national. « Je n’ai pas de problème avec le Sames de Dakar. Ceux qui devaient être beaucoup plus responsables, quoiqu’ils veuillent soutenir leurs collègues qui ont raconté des choses, il fallait venir me rencontrer. C’était la meilleure des formes pour savoir la vérité afin de trancher. Les gens sont malhonnêtes et parfois, ils ne leur racontent pas la vérité. S’ils avaient découvert ce que les enquêtes ont révélé, je pense qu’ils allaient parler à leurs collègues », tranche-t-il.
Face à cette situation de passe d ’armes, le directeur se met à déballer ce qu’il appelle les errements des médecins de Roi Baudouin. « Pour vous montrer les dégâts qu’ils commettent tous les jours, un enfant avait été déclaré mort à 10h. Ils ont fait appel à la famille pour la récupération du corps de l’enfant qui est arrivé à 16h45. Le paradoxe, l’enfant vivait toujours dans les tiroirs de la morgue. Il y a tant d’autres bêtises avec des preuves à l’appui et des documents qui existent ici dans mon bureau… », souffle Cheikh Mbaye Seck dans tous ses états.
Revenant sur ce qu’il appelle le nœud du problème, il donne sa part de vérité. A l’en croire, « la section Sames de Roi Baudouin n’a jamais déposé une plateforme revendicative au niveau de la Direction que j’ai l’honneur de diriger. Je défie quiconque me la montrera. Ils ne montreront jamais une plateforme revendicative ; ils m’ont donné une plateforme de grève en plateforme revendicative. Je me suis dit qu’ils ne maîtrisent pas les procédures, c’est pourquoi ils l’ont fait. Néanmoins, j’ai accepté de les recevoir le 15 novembre dernier. C’est des sections à incidence financière qui ont retardé la réunion : ils réclamaient 250.000 F comme indemnité de responsabilité des chefs de services qui sont au nombre de 16. Pour les 12 médecins restants, ils réclamaient 200.000 F comme indemnité de médecins non chef de service, ce qui n’existe nulle part au Sénégal ; ils tablent sur 100.000 F au minimum pour l’appui au logement ; Ils réclament une astreinte dont le minimum est de 100.000 F. Partant de ces questions, je ne dis pas non », nous dit-il au bout de la ligne téléphonique.
Reconnaissant la logique de leur combat, il faut signaler que « depuis deux ans, l’Etat du Sénégal a attribué une indemnité de logement aux médecins. Ce qui est aberrant. Moi j’ai trouvé une situation qui donne 190.000 F aux médecins qui sont en service ici ; tu n’es pas chef de service, tu as 140.000 F. L’augmentation qu’ils veulent ne repose sur rien du tout. Ils veulent mettre dans leurs poches tout ce que ce petit hôpital produit, j’ai dit que l’hôpital ne le peut pas, pour l’instant. Nous avons privilégié l’investissement et c’est ce qui les dérange ; ils demandent une astreinte médicale qui est des heures supplémentaires. Je vous donne un exemple patent : le docteur Ibrahima Sitor Souleymane Sarr qui dirige le Sames local n’a pas encore bouclé 1 an à Roi Baudouin. Il ne travaille que les mardis et les jeudis et les autres jours, ils les passent dans les cliniques privées. Parmi ses collègues, il y en a qui viennent à 9h et qui descendent à 13h. Nous sommes dans un hôpital qui a quatre gynécologues. Pour avoir une consultation à Roi Baudouin, c’est la croix et la bannière. A partir de 15h, il n’y a plus de gynécologue dans cet hôpital. Je suis obligé de me rabattre sur des étudiants de quatrième année pour qu’ils passent la nuit, alors qu’ils ne leur manquent rien », dénonce le directeur qui estime que les médecins manquent de volonté pour accompagner les populations de Guédiawaye qui dépendent de cet hôpital.
Ainsi, les deux camps campent sur leurs positions. Une situation qui ne présage rien de bon pour les populations qui vont en pâtir. Le directeur intensifie à son niveau son rouleau compresseur contre les médecins grévistes. « Je leur ai dit comme vous réclamez de l’argent, les autres aussi peuvent accomplir vos devoirs. Je leur ai donné des demandes d’explications. Il y a même certains qui m’ont même injurié dans leurs réponses. J’ai changé de fusil d’épaule. J’ai saisi un cabinet d’huissier qui vient m’aider dans le pointage. Le rapport produit par l’huissier est extraordinaire. Il est sur ma table et je vais le transmettre aux autorités. Si maintenant contrôler les agents qui sont à ta disposition pour qu’ils viennent et descendent à l’heure et travaillent tous les jours, c'est de l’acharnement, je continuerai à le faire tant que je suis dirigeant dans un hôpital au Sénégal. Tout le reste, c’est des inventions, de fausses accusations, je n’y répondrai pas ». « Si les demandes d’explications ne sont pas valables, qu’ils saisissent n’importe quel tribunal, je n’ai pas peur, je répondrai présent avec mes documents. S’il y a de la peur, c’est de leur côté, eux qui ont abandonné leur poste pendant très longtemps. Au Sénégal, lorsqu’on met des mesures de contrôle, les gens te diabolisent. L’argent de l’hôpital est gardé par un agent du Trésor. Néanmoins, j’ai fait installer un logiciel dans mon ordinateur pour contrôler toute rentrée et sortie d’argent, donc je ne peux pas abuser de cet argent. Je les attends devant la justice de pied ferme. Cela ne me fera pas reculer. Ce que je n’ai pas fait depuis 15 ans, ce n’est pas aujourd’hui que je vais le faire. Je veux être quitte avec ma conscience et avec Dieu. J’ai intensifié le contrôle et point barre. Je peux faire des compromis, mais pas de concession. Je leur ai envoyé une lettre pour qu’on reprenne les discussions, ils ont délibérément dit qu’ils ne viendraient pas négocier avec le directeur. Personne ne me déviera de ma logique », fait-il savoir tout en signifiant qu’il est toujours prêt à discuter avec le Sames pour une sortie de crise.
Le directeur renseigne que le fonctionnement de l’hôpital n’a pas été impacté malgré la grève des médecins. « On fait en moyenne trois millions de recettes par jour et pour vous montrer que leur grève n’a pas d’impact, ils nous ont tellement habitués à leur absence que les agents qui sont là ont continué à faire leur travail comme ils le faisaient. A 19h38 minutes, nous sommes à 3.359.865 F Cfa. Nous avons atteint nos recettes journalières. Je suis arrivé dans cet hôpital le 30 décembre 2021, j’ai trouvé un budget de 1.200.000.000 F Cfa et le budget de 2023 est arrivé à 02 milliards. Nous avons payé toutes les dettes. L’hôpital ne doit rien à aucun fournisseur, à aucun travailleur. Demandez à l’Ipres, à la Caisse de sécurité sociale, on ne doit rien à personne. Les salaires de la fin du mois de novembre ont été payés depuis le 23 novembre », conclut Cheikh Mbaye Seck.
Baye Modou Sarr