BAABA MAAL LORS DU FESTIVAL LES BLUES DU FLEUVE : «Je ne peux pas tout faire moi-même»




Le leader de Dande Lenol, faisant un bilan d’étape de la 15ème édition du festival international Les blues du fleuve, a souligné que cet évènement est une vitrine pour Podor et tout le Fouta. De l’entreprenariat aux rencontres d’échange avec les jeunes et les femmes, le leader du Dande Lenol ne manque pas d’arguments pour démontrer l’impact du festival sur les Podorois, aux Sénégalais et à l’international. Baaba Maal explique aussi son degré d’implication pour le développement de sa localité, mais aussi précise qu’il ne peut tout faire. Quant au candidat que le roi du Yela va soutenir à la prochaine élection présidentielle, Baaba attend de voir les programmes.
 
 
Les Echos : quelles sont vos impressions après la décision du Conseil municipal de Podor de donner votre nom à une avenue ?
 
Baaba Maal : Je suis heureux et je suis vraiment comblé. Je veux dire merci à l’équipe municipale de Podor et à Mamadou Racine Sy qui, même durant la rencontre de concertation pour annoncer leur choix, n’a ménagé aucun effort pour choisir la place idéale qui porte désormais mon nom. D’après ce qu’on m’a raconté, il voulait vraiment montrer sa reconnaissance pour ce que je suis et ce que je suis pour Podor. C’est vrai que des fois, quand on est artiste ou une personnalité qui s’engage pour sa communauté, son pays, on se pose la question de savoir : est-ce que les gens savent les sacrifices que nous faisons ? Ce qui m’a le plus séduit dans cette distinction énorme, c’est que le festival s’ouvre toujours dans cette régate et que c’est au bord de ce boulevard que je rentre dans une pirogue. C’est un boulevard qui me rappelle beaucoup de souvenirs. C’est pour cela que je dis merci et je suis très fier de Podor, d’avoir donné un exemple, parce qu’il existe peut-être d’autres personnes qui ont fait beaucoup plus dans leur communauté et dans l’Afrique et qui n’ont pas eu de reconnaissance de leur vivant.
 
Est-ce que le Festival peut être un levier de développement économique pour Podor et les zones riveraines où le chômage sévit ?
 
Je l’ai dit récemment à Nouakchott : chacun joue sa partition dans cet élan de renverser la tendance en luttant contre la pauvreté, de maintenir nos enfants ici en Afrique et leur donner des opportunités. Moi je ne suis qu’un artiste, je n’ai que ma voix. Moi tout seul, je ne peux changer la face du monde ; c’est le problème de tout le monde. Je peux, avec les opportunités, parce que ma voix porte, dire une fois de plus qu’il faut que le Président, son gouvernement, nos administrations, les gens qui partagent la même communauté, que nous tous nous nous chargions de mettre quelque chose sur pied. A partir de là, nous pourrons dire aux jeunes ne partez pas, ici vous pouvez faire tel travail et vous épanouir afin qu’ils puissent faire quelque chose pour le monde et pour vous-mêmes. Baaba Maal avec son nom, toute sa popularité, son inspiration à écrire des chansons, à communiquer, ne peut pas changer la face du monde. Mais je peux participer par rapport aux responsabilités que m’a données la musique. Je m’appelle le Dande Lenol, je ne suis pas la poche du Lenol et je ne suis pas non plus le président du Lenol. Je ne suis que la voix du peuple et ce sont les aspirations du peuple que j’essaye de crier très fort. Ceux qui y adhèrent, c’est bon, ceux qui n’y adhèrent pas, c’est qu’ils n’ont rien compris. Mais moi, ma responsabilité, c’est de porter haut les aspirations du peuple. C’est ça le pacte entre Baaba Maal et sa communauté, le Sénégal et l’Afrique.
 
Comptez-vous faire des appels à la paix en vue de l’élection présidentielle ?
Nous sommes tous concernés par ce qui va se passer dans quelques mois. Il y a des gens qui me posent des questions pour savoir avec qui je vais m’engager parmi les candidats. Je suis toujours comme beaucoup de gens. J’essaye d’avoir une bonne lecture, pour voir autour de moi. Maintenant, les dés sont jetés mais j’attends de voir qu’est-ce qui va se passer et savoir qui est qui. Je suis Sénégalais et dans toutes les composantes des partis politiques, j’ai des amis. Pour les autres, j’essaye de savoir quels sont les programmes qu’ils proposent aux Sénégalais. Il y a des gens qui parlent et tout, mais j’attends de voir pour que ça soit clair dans ma tête, pour ne pas induire beaucoup de personnes en erreur. Car quand je m’engage, il y a beaucoup de gens qui s’engagent avec moi. En tout cas, il est primordial que l’élection se fasse dans la paix. Donc plus de conflit ; que les dirigeants se retrouvent sur une même table et discutent, qu’ils soient vraiment conscients que le peuple est là pour les accompagner. On peut avancer ensemble et aller vers les nouvelles opportunités, sans pour autant se casser la gueule. Dans une de mes chansons, je disais que les peuples peuvent choisir de s’entretuer, mais l’arbre lui décide de vivre en disant “tuez-vous mais moi j’ai choisi de vivre”. La vie continue.
 
 
Les activités initiées durant ce festival sont aussi consacrées au développement durable, est-ce une façon de montrer aux jeunes et aux femmes que c’est le moment de choisir les actions de développement ?
 
Le Festival «Les Blues du fleuve» a fait naître plusieurs opportunités ayant débouché sur la création de projets pour les populations de Podor (nord) et environs, faisant de cette manifestation culturelle un levier de développement économique. Je suis venu à un moment de ma carrière, où pendant 40 ans j’ai inspiré beaucoup de jeunes avec ma musique. L’autre aspect qui reste, c’est inspirer les gens sur le développement. Pendant 72 heures, beaucoup d’opportunités de rencontres s’offrent aux personnes entreprenantes, pour faire des affaires dans le petit commerce, les formations qualifiantes, dans la transformation des produits agricoles, particulièrement. Voici venu le moment d’inverser les choses, en aidant à mettre sur pied des projets de développement économique à Podor, au Fouta, au Sénégal et dans le continent africain. Mais je peux vous donner un exemple avec Nanka pour dire que même Baaba Maal revient à la terre ; donc pourquoi pas vous. Nous avons la terre, l’eau, le soleil. C’est dans ce sens qu’est né le projet +NANN-K+, qui signifie agriculture, pêche, élevage, technologies. Cette association mène beaucoup d’activités au Fouta et dans plusieurs régions du Sénégal, par exemple à Tambacounda, Kolda, Richard-Toll et même en Mauritanie. Il existe aussi d’autres projets dans d’autres domaines à explorer. Ce sont, si Dieu le veut, 200 Ong qui vont m’accompagner pour dire merci à ma communauté. Avec le comité scientifique du festival, des femmes et jeunes fondent beaucoup d’espoir sur ces rencontres. Cette édition a aussi permis d’inaugurer la chambre froide installée entre Podor et Guia, mise à la disposition des maraîchers de la zone. Désormais, le festival «Les blues du fleuve» met l’accent sur le développement durable, accordant la priorité aux femmes et aux jeunes, comme en atteste le thème général de l’édition 2023 : «Entreprenariat féminin et Développement durable».
 
Est-ce que vous allez arrêter la musique un jour ?
Jamais ! Jamais ! Il y a des gens qui ont joué jusqu’à ce qu’ils ne peuvent plus se déplacer, mais qui continuent à jouer. Certes je ne suis plus jeune, je ne vais pas danser pour me rabaisser, mais je vais continuer à chanter. Même vieux, sur une chaise, avec ma guitare, je vais toujours chanter.
 
Samba THIAM
 
 
LES ECHOS

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