Le président du mouvement Agir ne compte pas subir sans donner son avis par rapport à la gouvernance du Président Bassirou Diomaye Faye, même s’il s’engage à l’appuyer pour les initiatives de rupture qu’il entreprendra. La preuve, Thierno Bocoum, qui souligne l’espoir que suscitent les premières mesures du chef de l’État, ne s’est pas gêné de lui livrer son point de vue sur l’état actuel des choses. L’ancien député interpelle le Président Faye sur, entre autres, «ses promesses manquées» : la nécessité d’abroger la loi sur l’amnistie ; la gestion du foncier avec courage et tact ; mais aussi la déclaration complète de son patrimoine, comme le stipule la loi.
Thierno Bocoum promet au Président Bassirou Diomaye Faye de l’accompagner dans toutes les initiatives de rupture, avant de préciser que tout comme il approuvera avec force et sans équivoque les ruptures consolidantes permettant de hisser les intérêts des populations au-dessus de tout autre, il n’hésitera pas à dénoncer sans concession d’éventuelles dérives et d’éventuels non-respects des promesses faites aux populations. En un mot, il se décrit comme une «sentinelle de cette nouvelle alternance».
Bien qu’il reconnaisse qu’il est prématuré de juger le Président Faye sur les réformes structurelles, le leader de Agir estime par contre qu’il n’est jamais trop tôt de recadrer «un chauffeur quand il sort de sa ligne de conduite, même s’il vient de prendre le volant». Pour lui, une gestion de l’État acquise après avoir dénombré des morts et de nombreuses victimes pour diverses raisons non encore élucidées, sur la route de la conquête du pouvoir, ne peut en aucune manière dévier des rails de la justice, de la transparence et du respect de la parole donnée.
C’est la raison pour laquelle Thierno Bocoum a adressé au Président Bassirou Diomaye Faye six (6) interpellations pour, dit-il, mieux encadrer cette nouvelle page de notre histoire politique et institutionnelle.
«Ejecter Bassirou Guèye de la tête de l’Ofnac»
Premièrement, après l’avoir encouragé dans sa politique de reddition des comptes, qu’il espère différente des procédés de règlement de comptes, le leader de Agir pense que les rapports des organes de contrôle doivent être transmis, sans délai, au procureur de la République. «Mettre le coude sur un dossier ne doit plus être une pratique gouvernementale. Nous vous demandons, par conséquent et par la même occasion, de déclassifier les rapports de l’Ige et de permettre aux Sénégalais d’en prendre connaissance», souligne-t-il.
M. Bocoum croit aussi que les organes de contrôle doivent être confiés à des personnes «capables de répondre aux exigences de transparence». C’est pourquoi il demande l’éjection de Serigne Bassirou Guèye de la tête de l’Ofnac à travers une réforme des textes avec effet rétroactif.
«L’affaire Karim Wade et le Conseil constitutionnel doit être élucidée, tout comme son départ pour le Qatar»
Le deuxième point de ses interpellations concerne Karim Wade. L’ancien député (2012-2017) souhaite d’abord que ses accusations graves contre des juges du Conseil constitutionnel, qui ont eu de lourdes conséquences sur la stabilité du pays, soient élucidées. Les conditions de départ de Wade fils du Sénégal pour le Qatar méritent, d’après Bocoum, d’être éclairées.
«Faillite à votre promesse de faire un appel d’offres»
Troisièmement, Thierno Bocoum évoque la promesse du Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane de faire un appel d’offres pour les postes de directeur ou directeur général. «Et pourtant, durant deux conseils des ministres successifs, il a procédé à des nominations à des postes de directeur. (…) par cet acte vous avez failli à vos promesses. Nous espérons que vous vous chargerez de soumettre les postes restants à un appel à candidatures pour mettre la compétence, la rigueur et le mérite au cœur de votre politique de rupture systémique affirmée maintes fois».
«Abrogez aussi la loi d’amnistie, une fois que…»
Thierno Bocoum voudrait que le Président Bassirou Diomaye Faye, tout comme il a procédé à l’abrogation de certains des derniers décrets signés par le Président Sall, abroge aussi la récente loi d’amnistie, conformément aux dispositions de l’article 80 de la Constitution, une fois qu’il aura les coudées franches à l’Assemblée nationale. «Cette initiative de mise en place d’une commission d’indemnisation des victimes des évènements de janvier 2021 à février 2024 que vous avez annoncée en conseil des ministres devrait être une étape envisageable après avoir connu la vérité. On ne peut pas parler d’indemnisation sans au préalable des responsabilités établis».
«L’hôtel où vous avez séjourné avant votre installation est construit sur cette même corniche…»
Pour ce qui est de la question foncière qui constitue sa cinquième interpellation, le leader de Agir estime qu’elle doit être gérée avec beaucoup de responsabilité et de courage. Puisque, comme le disait son prédécesseur, «la question foncière reste le plus gros risque de conflit dans ce pays». D’après ce dernier, les décisions du Président Faye tendant à y mettre de l’ordre sont à saluer, mais elles doivent prendre en compte le principe d’équité, de transparence, de justice. «Monsieur le Président de la République, je vous annonce que l’hôtel d’où vous avez quitté pour aller faire votre prestation de serment et qui a été pendant plusieurs jours votre quartier général est construit sur cette même corniche, sur une superficie de 7600 m2 et bien après la déclaration susvisée. Il a été inauguré le 25 novembre 2023 par votre prédécesseur le Président Macky Sall», renseigne-t-il avant de signifier au Président Bassirou Diomaye Faye que «symboliquement, il aurait dû se passer de ce séjour dans cet hôtel, au regard des déclarations précédentes sous le sceau du ‘’Projet’’». Thierno Bocoum espère en tout cas «qu’un traitement équitable sera appliqué à tous les dossiers pour permettre aux Sénégalais de bénéficier du foncier et de profiter de la plage».
«Veuillez finaliser votre déclaration de patrimoine»
Et en sixième et dernière point, l’ancien député invite le chef de l’État à finaliser sa déclaration de patrimoine, conformément aux dispositions de la Constitution en son article 36 dernier alinéa. «La déclaration que vous aviez faite lors de la campagne électorale ne satisfait pas à cette prescription légale et est incomplète. Le bien qui semble être le plus précieux n’a pas été évalué. Nous vous prions de l’évaluer et de faire votre déclaration conformément à la loi et les juges constitutionnels se chargeront de la publier. Cet acte sera un signe important dans votre volonté de vous soumettre à la transparence», déclare Thierno Bocoum.
Ndèye Khady D. FALL