Ce n’est demain que les travaux d’entretien de routes revêtues dans les régions de Thiès et Diourbel (PERA 2018-2019-2020) se feront ! En effet, l’Armp vient de casser un marché de 32.955.801.454 attribué au groupement Henan Chine Senegausogec, alors que l’entreprise de Bara Tall a proposé une offre 3 milliards moins élevée que celle de l’attributaire.
Ageroute Sénégal a fait publier, dans le journal «Le Soleil» du 16 août 2017, un avis d'appel d'offres national sans pré-qualification, pour les travaux pluriannuels d'entretien de routes revêtues dans les régions de Thiès et de Diourbel (PERA 2018-2019-2020). A l'ouverture des plis, le 19 octobre 2017, quatre (4) offres ont été reçues et les montants ci-après lus publiquement à savoir : le groupement Henan Chine Senegausogec (32.955.801.454 F Cfa) ; Eiffage Sénégal (40.084.107/232 F Cfa); Cde (34.702.007.598 F Cfa) ; JLS SA (26.777.314.621 F Cfa). A l'issue de l'évaluation des offres, la commission des marchés a décidé d'attribuer provisoirement le marché au groupement Henan Chine Senegausogec Sarl pour un montant toutes taxes comprises de trente-deux milliards neuf cent cinquante-cinq millions huit cent un mille quatre cent cinquante-quatre (32.955.801.454) F Cfa. Informée du rejet de son offre, la société JLS SA a introduit, le 14 décembre 2018, un recours gracieux auprès de l'autorité contractante. Non satisfaite de la réponse de cette dernière, reçue le 18 décembre 2018, JLS SA a saisi le Crd d'un recours contentieux, le 21 décembre 2018. Ainsi, par décision N°002/19/ARMP/CRD/SUS du 02 janvier 2019, le Crd a déclaré le recours recevable, ordonné la suspension de la procédure de passation du marché et demandé la transmission des dossiers aux fins d'instruction. Par lettre reçue le 11 janvier 2019, Ageroute a transmis les documents demandés.
Un écart énorme entre l’offre de JLS et celle de l’entreprise attributaire
Seulement, les services de Bara Tall ont fourni des arguments qui justifient qu’ils ont été lésés dans cette procédure. En clair, JLS SA informe avoir réalisé, entre 2010 et 2017, outre les travaux de l'autoroute Patte d'Oie - Malick Sy commandités par I'Apix pour un montant de 31.541.558.359 F Cfa, un marché de 16,4 milliards avec Ageroute Sénégal pour la reconstruction de la route de Fatick - Kaolack. Elle signale avoir également reçu un ordre de service pour réaliser un nouveau chantier pour la route Kaffrine- Nganda pour un montant de 15,8 milliards de F Cfa. Se fondant sur ces références, l'entreprise JLS Sénégal estime que l'approche utilisée par l'autorité contractante pour l'éliminer, au regard des critères de qualification portant sur le chiffre d'affaires moyen et l'expérience spécifique, n'est pas pertinente. Elle déclare, à ce propos, que l'esprit de la loi (attribuer les marchés publics aux entreprises capables de les réaliser) doit toujours primer sur la lettre. Le requérant soutient que les critères de qualification fixés dans le dossier d'appel d'offres ne doivent pas, par leur application stricte, obérer l'esprit de la loi. En outre, JLS signale, par ailleurs, l'écart de 6,2 milliards de francs Cfa entre son offre et celle du groupement Henan Chine Senegausogec, attributaire provisoire du marché. Elle déclare avoir proposé l'offre conforme, évaluée la moins-disante et fait observer qu'elle a prouvé avoir les qualifications requises pour exécuter le marché. C'est pourquoi, elle sollicite l'arbitrage du Crd.
Ageroute se confond dans ses arguments
L'autorité contractante fait observer que les critères de qualification relatifs au chiffre d'affaires moyen et à l'expérience spécifique n'ont pas été satisfaits par JLS SA. Ageroute Sénégal précise que pour le premier critère cité, il était requis un chiffre d'affaires moyen de 11 milliards sur les trois dernières années, alors que celui produit pas JLS SA ne couvre que 30% du montant susmentionné. S'agissant de l'expérience spécifique, l'autorité contractante informe que sur la preuve de la réalisation des deux (02) expériences similaires exigées, JLS SA n'en a produit qu'une. Elle indique que JLS SA a mentionné une référence, en l'occurrence les travaux de reconstruction de la route Fatick-Kaolack, sans joindre le procès-verbal de réception desdits travaux. L'autorité contractante précise, à ce propos, que la réception provisoire des travaux susmentionnés réalisée pour son compte, n’a été prononcée que récemment, en octobre 2018 donc, bien après l'ouverture des plis du marché litigieux qui a eu lieu le 19 octobre 2017. Elle fait observer, sur ce point, que la commission des marchés ne pouvait pas tenir compte de cette référence de marché en cours d'exécution.
L’Armp «déchire» les arguments de l’Ageroute et annule la procédure
Ainsi l’Armp constate que JLS SA n'a pas présenté les pièces prouvant qu'elle remplit les critères de qualification portant sur le chiffre d'affaires moyen et l'expérience spécifique, tels que fixé dans le DAO. Elle constate aussi que JLS SA a prouvé avoir réalisé sur la période de référence un chiffre d'affaires moyen de 3.410.963.268 F Cfa inférieur au montant de 11.000.000.000 requis. Somme toute l’Armp dit que le grief tiré du non-respect du chiffre d'affaires moyen est fondé. Mais l’Armp signale, toutefois, que JLS SA a produit une attestation de capacité financière pour prouver qu'elle dispose des moyens financiers pour exécuter le marché. Donc, en l’espèce, l'appréciation de la situation financière de JLS SA, par l'analyse combinée des trois critères relatifs au chiffre d'affaires, aux états financiers et à la capacité financière, permet d'atténuer la crainte d'une défaillance durant l'exécution pour insuffisance des moyens financiers. Poursuivant l’arbitrage du différend, l’Armp remarque que JLS SA a fourni une référence prouvant qu'elle a réalisé un marché similaire d'un montant de 31 milliards pour l'autoroute Patte d'oie - Malick Sy et mentionné avoir exécuté pour le compte de Ageroute des travaux pour la reconstruction de la route Fatick-Kaolack d'un montant de 17 milliards en 2017, sans pouvoir apporter le document y relatif. Sur ce, elle déclare que l'appréciation des critères de qualification ne donne pas lieu à la comparaison d'offres de soumissionnaires, mais constitue plutôt une phase de vérification de l'aptitude du candidat (dont l'offre est conforme et évaluée la moins disante) à assurer l'exécution correcte du marché. Par conséquent, l’Armp dit que JLS SA a prouvé avoir exécuté dans le passé des marchés de nature et de complexité similaires, présumant ainsi de sa capacité à exécuter les travaux attendus, même si le critère sur le chiffre d’affaires moyen et l’expérience spécifique ne sont pas remplies au regard des clauses du DAO. Ce faisant, elle fait remarquer que JLS SA a présenté l’offre conforme classée première avec un montant corrigé qui s'établit à 29.802.986.707 F Cfa TTC, tandis que l'offre de l’attributaire provisoire du marché est de 32.955.801.454 F Cfa TTC, soit un écart de plus de 3 milliards de F Cfa. Somme toute, l’Armp soutient qu'en éliminant JLS SA, qui a proposé une offre conforme moins disante et qui a prouvé avoir la capacité d'exécuter des marchés similaires, l'autorité contractante n'a pas tenu compte du principe d'économie. Pour conclure l’Armp ordonne l'annulation de la proposition d'attribution provisoire du marché et la reprise de l'évaluation.
Samba THIAM