AFFAIRE ASER-AEE POWER : Thierno Alassane Sall démonte le montage du marché et accuse le gouvernement de dissimuler un scandale d’État au profit d’une entreprise étrangère




 
Thierno Alassane Sall démonte le montage gouvernemental autour de l’affaire Aser-AEE Power. Le député et président de La République des Valeurs a vigoureusement interpellé l’État du Sénégal lors d’un point de presse tenu hier jeudi 19 juin. Accusant le gouvernement de dissimuler des irrégularités graves dans l’attribution du marché d’électrification rurale à l’entreprise espagnole AEE Power, l’ancien ministre de l’Énergie a pointé du doigt la Sonac, le ministère des Finances et les pratiques opaques qui, selon lui, exposent le Sénégal à un scandale d’État. Face à la presse, il a déroulé un long exposé d’une rare précision pour dénoncer ce qu’il qualifie de «manœuvres de dissimulation orchestrées par le gouvernement dans l’affaire Aser-AEE Power».
 
C’est un feu nourri qu’a déclenché, hier jeudi 19 juin 2025, l’honorable député Thierno Alassane Sall à l’encontre du gouvernement sénégalais. Lors d’un point de presse explosif tenu à Dakar, le président du mouvement La République des Valeurs a accusé l’État de dissimuler un vaste scandale financier dans l’affaire Aser-AEE Power. Il dénonce ce qu’il qualifie de “violations manifestes” du Code des assurances (Cima), de “complicités au sommet de l’État” et d’un favoritisme éhonté en faveur d’une entreprise étrangère, AEE Power EPC, au détriment des intérêts du Sénégal.
Prenant appui sur des documents administratifs, des correspondances officielles et des dispositions légales, il a déroulé une démonstration minutieuse visant à démontrer que le marché d’électrification rurale attribué à l’entreprise espagnole AEE Power EPC est juridiquement vicié. «Ce marché est frappé d’irrégularités profondes, que le gouvernement tente aujourd’hui de maquiller derrière une fable grotesque de dérogation», a-t-il martelé.
 
 
«Une dérogation inventée de toutes pièces»
 
Au centre du propos : les garanties émises par la compagnie d’assurance Sonac au bénéfice d’AEE Power EPC. Le député rappelle que selon l’article 13 du Code des assurances (Cima), «la garantie de l’assureur ne peut prendre effet que contre paiement de la prime». Or, selon lui, les primes n’étaient pas encore payées au moment de l’émission des garanties. «Aucune prime n’avait été libérée au moment de l’émission des attestations», affirme-t-il, citant la dénonciation formulée par AEE Power Sénégal auprès de l’Arcop. «C’est une violation grave de l’article 13 du code Cima, sanctionnée par la nullité des garanties.»
Sall d’ajouter : «à aucun moment, la Sonac n’a produit la preuve du paiement des primes. À aucun moment, elle n’a évoqué l’existence d’une quelconque dérogation à l’article 13.» Pis encore, dit-il, «même les autorités mises en copie — le ministère des Finances, le Directeur National des Assurances — n’ont jamais mentionné une quelconque dérogation au moment des faits.». Pour lui, cela ne fait aucun doute : «la dérogation évoquée est une invention récente destinée à sauver un marché frappé d’irrégularités au profit d’une entreprise étrangère.»
 
 
«Le ridicule ne tue pas dans ce pays»
 
Avec un ton acerbe, Thierno Alassane Sall s’en est également pris à ceux qu’il accuse d’être devenus les relais de cette entreprise espagnole. «Le ridicule ne tue pas dans ce pays ! Il est étrange que les chantres du souverainisme usent depuis plus d’un an de toutes sortes de subterfuges pour offrir sur un plateau d’or l’un des plus juteux marchés de l’année à une entreprise espagnole, au détriment d’une entreprise sénégalaise.»
Il dénonce la grande mobilisation observée autour de ce dossier : « qui peut comprendre cette mobilisation d’hommes politiques au sommet de l’État, de hauts cadres, de parlementaires, d’influenceurs, de journalistes, de militants et de sympathisants pour défendre un entrepreneur étranger qui, d’ailleurs, n’est même pas bien vu dans son propre pays ?»
Selon lui, la banque espagnole Santander elle-même s’interroge sur l’utilisation faite de l’avance de démarrage : «elle demande à AEE Power EPC de justifier l’utilisation des fonds. Et elle n’a toujours pas obtenu de réponse !».
 
«Une opération maquillée, un faux potentiel»
 
Revenant sur le cœur juridique de l’affaire, il rappelle : «le principe est clair : pas de prime, pas de garantie.» L’article 13 du code Cima, dit-il, «ne souffre aucune ambiguïté» : la garantie ne peut être invoquée qu’après paiement intégral de la prime. Et selon lui, aucune des exceptions théoriques évoquées par le ministère des Finances dans son récent communiqué ne s’applique à ce cas. «AEE Power EPC n’est pas un démembrement de l’État, elle ne bénéficie d’aucune note de couverture spéciale et il n’existe aucune trace écrite d’une dérogation contractuelle.» Et il va plus loin : «même les factures de la Sonac portent noir sur blanc cette mention : “La prise d’effet du contrat est subordonnée au paiement de la prime.”»
Thierno Alassane Sall insiste : les garanties ont été délivrées illégalement. «Les garanties déposées relèvent du faux et peuvent entraîner la nullité du marché.» Il appelle l’État à prendre ses responsabilités : «des dispositions administratives et judiciaires doivent être envisagées immédiatement. La Sonac doit perdre son agrément, et AEE Power EPC doit être inscrite sur la liste noire. » Et surtout, ajoute-t-il, «le tribunal doit être saisi pour sanctionner le comportement délictuel de l’assureur et de l’entrepreneur.»
 
 
«Les primes ont été payées avec l’argent du contribuable… AEE Power n’a rien investi»
 
Le plus grave, à ses yeux, reste l’origine des fonds utilisés pour régulariser les primes. « AEE Power EPC a perçu l’avance de démarrage le 11 juin 2024. Le paiement des primes est intervenu trois jours plus tard. Il n’est pas interdit de penser que cet argent a servi à payer les primes. ». Il s’indigne : « si cela est vrai, alors on a utilisé des fonds publics pour régulariser des garanties illégales. C’est un détournement de deniers publics. »
Thierno Alassane Sall s’interroge aussi sur l’absence d’investissement de la société bénéficiaire. « Ce marché a été conçu et initié par un entrepreneur sénégalais. C’est lui qui a fait toutes les démarches auprès de la banque espagnole. ». Et pourtant, dit-il, « c’est AEE Power EPC qui rafle tout, sans avoir investi un seul centime. ». Pire encore : « Les ressources utilisées sont bel et bien des deniers publics, comme l’a relevé la Cour suprême dans son ordonnance du 21 novembre 2024. »
 
 
« Même la banque espagnole doute »
 
La position de la banque Santander est pour lui un élément déterminant. «Dans sa lettre du 30 septembre 2024, elle alerte sur la légalité des garanties et l’éligibilité de l’entreprise à la garantie souveraine.»
Plus étonnant encore, dit-il : «la banque espagnole accorde plus de crédit à une entreprise sénégalaise que nos propres autorités.». Il s’étrangle : «comment expliquer qu’à chaque fois qu’une autorité indépendante est saisie — justice, Arcop — c’est l’entreprise sénégalaise qui a raison, mais que dans les hautes sphères de l’État, on s’acharne à la disqualifier ? » Et de conclure avec amertume : «vous avez dit patriotisme ?»
Dans sa conclusion, Thierno Alassane Sall lance un appel à la vigilance collective : « il ne s’agit pas d’un simple contentieux commercial. C’est une question de souveraineté, de transparence, de respect de la loi. Si on laisse passer ça, alors on ouvre la porte à toutes les dérives. ». Il réclame la vérité, des sanctions et la fin de la protection politique d’intérêts étrangers : « trop, c’est trop. Le Sénégal mérite mieux. »
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
 
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