AFFAIRE ALIOU SALL/BP/FRANK TIMIS : Thierno Alassane Sall vilipende vivement le Sénégal auprès de l’Itie



Le scandale lié à l’attribution de licences d’exploration du pétrole sénégalais n’en est pas à son épilogue. Entre conférences de presse, lancement de pétitions, marche de protestation, les acteurs politiques et les lanceurs d’alerte s’y mettent, chacun à sa façon. Après la conférence de presse de sa coalition, le Congrès de la renaissance démocratique, Thierno Alassane Sall a adressé une lettre ouverte à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) pour dénoncer sa «complicité» dans cette affaire. L’organisation internationale n’a pas attendu longtemps pour préciser que son évaluation est portée sur les rapports que lui a présentés le Sénégal et qui n’ont pas pris en charge l’année 2012.

Au moment où tout le monde continue à s’émouvoir du scandale du pétrole et du gaz, l’ancien ministre de l’Énergie, Thierno Alassane Sall, lui, a jugé nécessaire de saisir l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) par une lettre ouverte. Dans cette missive, Thierno Alassane Sall estime que l’Itie cautionne l’opacité et le manque de redevabilité dans le secteur du pétrole et du gaz au Sénégal. «Le 8 mai 2018, l’Itie déclarait que le Sénégal avait fait des progrès satisfaisants pour remplir les normes de l’Itie, faisant du Sénégal le premier pays africain à recevoir une telle appréciation», a fait noter le leader de la République des valeurs. Dalleurs, souligne-t-il, le Conseil d’administration de l’Itie avait même félicité le gouvernement du Sénégal et les membres du groupe multipartite, pour les progrès réalisés dans l’amélioration de la transparence et la redevabilité dans les industries extractives et leur utilisation du processus de l’Itie afin de mener les réformes et générer un débat public vibrant. Thierno Alassane Sall est certes d’accord que le débat public sur le secteur du pétrole et du gaz au Sénégal a été très vibrant durant ces sept dernières années, mais, lâche-t-il, il est en porte-à-faux avec l’évaluation de l’Itie.

Thierno Alassane Sall : «l’Itie cautionne l’opacité et le manque de redevabilité dans le secteur du pétrole et du gaz au Sénégal»

Evoquant ainsi le documentaire de la Bbc, Thierno Alassane Sall affirme que ces révélations de la télévision britannique illustrent le manque de transparence et les soupçons graves de corruption qui entourent le Président Macky Sall, sa famille et des ministres sénégalais dans la gestion du secteur pétrolier et gazier au Sénégal. A l’en croire, l’Itie n’était pas sans ignorer la multitude de scandales qui ont secoué ce secteur durant ces dernières années et qui ont été largement relayés par la presse sénégalaise et une partie de la presse internationale, notamment durant la dernière période d’évaluation de l’Itie. selon M. Sall, en dehors de sa démission en tant que ministre de l’Énergie pour son refus de signer la cession des parts de Timis Corporation à British Petroleum et une licence d’exploration et d’exploitation en faveur de Total, qui était classée cinquième parmi les offres reçues sur le bloc de Rufisque, en mai 2017, il y a la démission du Premier ministre de l’époque, Abdoul Mbaye, qui a déclaré publiquement à plusieurs reprises que la licence accordée à Timis Corporation l’a été sur la base d’un faux rapport de présentation au Conseil des ministres, sur les capacités techniques et financières de l’entreprise. Il a même saisi le procureur de la République ainsi que le Président de la République en février 2018. Ensuite, la saisie du gouvernement du Sénégal par une plainte de Tullow Oil qui s’est sentie lésée à la suite de l’attribution de la licence à Timis Corporation, sur deux blocs sur lesquels elle était en négociation avancée avec les institutions publiques concernées. Toutous dans sa lettre, Thierno Alassane Sall accuse le Président Macky Sall d’avoir refusé de rendre public un rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige) qui établit clairement que Timis Corporation n’avait pas les compétences requises pour bénéficier d’une licence et avait toutes les caractéristiques d’un spéculateur. Se basant sur ces éléments, l’ancien ministre des Infrastructures pense que l’Itie a failli à ses devoirs basiques de «due diligence» dans la mesure où le Président Macky Sall et ses ministres ont à plusieurs reprises cité le satisfecit de l’Itie pour preuve de la transparence du secteur et pour justifier leur refus de déclencher des actions judiciaires, y compris après le documentaire de la Bbc. Malgré tout, Thierno Alassane Sall a tenu à préciser qu’il ne doute pas de la bonne foi de l’Itie. «Nous ne remettons aucunement en cause la bonne foi de l’Itie qui peut être abusée, encore moins l’importance de sa mission. Cependant, il est important de noter les faiblesses méthodologiques qui limitent la capacité de l’Itie à mesurer le vrai degré de transparence et de redevabilité dans les industries extractives», argue-t-il.

Thierno Alassane Sall : «la publication de documents n’est en rien synonyme de transparence»

Pour ce dernier, l’Itie, pour apprécier la transparence dans le secteur minier, se base en grande partie sur la publication de documents légaux et d’informations telles que les contrats pétroliers et gaziers, alors que la publication de documents n’est en rien un synonyme de transparence. Thierno Alassane Sall dénonce aussi la faiblesse du groupe multipartite. «Dans les pays où les institutions sont faibles et le pouvoir concentré autour de quelques mains, ces mécanismes aboutissent souvent à des organes fermés et contrôlés par un petit nombre d’intérêts», dit-il. Le leader de la République des valeurs estime qu’il est aujourd’hui urgent pour l’Itie de mettre à jour son évaluation des politiques du secteur minier au Sénégal, au risque de continuer à cautionner les pratiques opaques, de corruption et d’obstruction à la justice du régime du Président Macky Sall.

L’Itie riposte et clarifie : «Le rapport ne couvre pas l’année 2012. La validation n’est pas une enquête sur des pratiques de malversation financière alléguées»

En réponse à la lettre ouverte de Thierno Alassane Sall, le secrétariat international de L’Itie nie avoir une quelconque responsabilité dans ce scandale. Revenant sur l’admission du Sénégal en tant que pays de mise en œuvre, l’Itie assume l’appréciation de l’évaluation qui faisait état de la réalisation d’importants progrès par le Sénégal. «Le Sénégal a été admis comme pays de mise en œuvre de l’Itie en octobre 2013. Conformément à la Norme Itie, tous les pays de mise en œuvre doivent prendre part à une évaluation périodique. Le Conseil d’administration a convenu le 8 mai 2018 d’une évaluation, qui est parvenue à la conclusion que le Sénégal avait réalisé des  progrès satisfaisants», déclare l’Itie. A en croire le secrétariat de ladite organisation, la validation est axée sur le respect des exigences de l’Itie relatives à la participation des parties prenantes et aux divulgations du gouvernement et des entreprises. Elle expose des informations clés sur la gouvernance du secteur.

«La validation n’est pas une enquête sur des pratiques de malversation financière alléguées»

Poursuivant, l’Ite souligne que la validation n’est ni un audit, ni une enquête sur des pratiques de malversation financière alléguées. «Le processus de déclaration de l’Itie est piloté au niveau national. Depuis que le Sénégal est devenu un pays de mise en œuvre en octobre 2013, le Groupe multipartite du Sénégal a publié cinq Rapports Itie couvrant les années 2013 à 2017. Le rapport ne couvre donc pas l’année 2012, pendant laquelle des activités d’octroi de licences ont eu lieu», précise l’Itie, avant d’enchainer : «Par conséquent, l’Itie n’a porté aucune appréciation sur cette affaire par le biais de la validation ou de tout autre processus. Il est à espérer qu’il a fourni des informations postérieures à 2012, qui pourront alimenter le débat public sur cette question», clame t-elle.

Ndeye Khady D. FALL
LES ECHOS

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