Le collectif des avocats des personnalités de l’ancien régime mises en cause veut se donner tous les moyens de réussir sa mission : tirer les anciens ministres, députés, maires partisans du président Macky Sall des griffes du régime Diomaye. Pour cela, les conseils ont fait appel à un expert en droits humains pour relever toutes les violations et autres dérives dont sont victimes leurs clients. Le professeur Madza Andonas est donc chargé de fournir un rapport détaillé mettant en exergue tous les éléments objectifs qui permettront la mise en liberté de ceux qui sont actuellement incarcérés comme Farba Ngom, Moustapha Diop…
Juste après leur visite à Farba Ngom, des membres du collectif des avocats des anciens dignitaires du régime de Macky Sall, accompagnés d’un expert en droits humains, ont rencontré la presse pour parler de la situation des personnes qui sont mises en cause au Sénégal, notamment Farba Ngom et Moustapha Diop. Insistant sur la situation du maire de Agnam, l’avocat français Antoine Vey fait noter qu’elle est assez significative. «Nous avons une personne mise en prison qui a fait l’objet d’expertises médicales collégiales qui ont été ordonnées par les juges et qui ont toutes conclu à l’incompatibilité de son état de santé avec une mesure de détention. Elles ont donc appelé les juges à pouvoir faire en sorte, par une remise en liberté provisoire ou éventuellement par des soins à l’hôpital, pour qu’il puisse disposer du soin et des attentions nécessaires sur le terrain médical. Les rapports soulignent clairement que sa détention constitue un risque de mort», déclare l’avocat qui poursuit : «il a été déplacé d’une prison à un autre centre de détention que nous avons visité et dans lequel nous avons pu constater qu’il ne bénéficie absolument pas des soins médicaux dont il aurait besoin».
Me Vey : «on note des irrégularités assez inexplicables au niveau des procédures concernant les membres de l’ancien régime»
Me Vey dit constater toujours des irrégularités assez inexplicables au niveau des procédures concernant les membres de l’ancien régime. «Nous étions déjà venus au mois de juillet pour relever une situation problématique, mais elle s’est empirée même si certaines personnalités ont été remises en liberté», dit-il avant d’ajouter : «Farba Ngom n’a toujours pas vu, à ce stade, après 8 mois de détention, ni de juge, ni d’enquêteurs. Il n’a jamais été interrogé. Il n’a non plus jamais été notifié des éléments qui justifient son accusation. Néanmoins, il conteste tout détournement, puisqu’il n’a jamais été bénéficiaire ou décisionnaire pour les deniers publics», révèle Antoine Vey, selon qui Farba Ngom est resté digne tout au long de leur entrevue, même s’il s’est livré sur les difficultés concrètes qu’il rencontre à cause de son état de santé.
M. Andonas : «il y a une judiciarisation de la vie politique, voire une instrumentalisation de l’appareil judiciaire à des fins politiques»
L’expert en droits humains a, lui, tenu à éclairer d’emblée son travail. «Il ne s’agit pas d’accuser, mais de faire un constat dans le rapport que nous avons produit. Le document sera mis à la disposition de la justice, la presse et les Sénégalais afin de leur donner les éléments objectifs qui permettent la mise en liberté de ceux qui sont actuellement incarcérés».
Le professeur Madza Andonas note une judiciarisation de la vie politique, voire une instrumentalisation de l’appareil judiciaire à des fins politiques avec la mise en cause d’anciennes personnalités du précédent régime. Et au-delà même des personnalités politiques, il y a des journalistes ou des leaders d’opinion. «Nous avons analysé les décisions rendues par la Cour africaine des droits de l’homme et l’ECOWAS qui ont signalé que lors de leur arrestation et mise en détention, il ne leur a pas été précisé la base légale de la procédure. Les décisions qui sont intervenues ont bien pointé le caractère arbitraire de l’usage du pouvoir politique».
L’expert chargé de rédiger le rapport sur la situation des anciens dignitaires mis en cause affirme que ces derniers sont mis en détention provisoire par des juridictions d’exception dont on sait que la composante est essentiellement politique : «on note un aspect éminemment répressif dans ces procédures. Ce qui nous amène à nous poser des questions sur la tenue de procès équitable».
Me Mbengue : «même si on n’accorde pas une liberté provisoire à Farba, le juge devrait accélérer les choses pour l’entendre»
Venu représenter ses collègues sénégalais membres du collectif des avocats qui assurent la défense des personnalités poursuivies dans le cadre des procédures dites de reddition des comptes, Me Antoine Mbengue dira : «en plus de la production de ce rapport, il y a l’action des avocats qui posent tous les jours des actes pour que Farba Ngom soit libéré et innocenté», assure-t-il avant d’ajouter : «est-ce que vous pensez qu’il est juste d’arrêter quelqu’un depuis février sans jamais l’entendre ? Même si on ne lui accorde pas une liberté provisoire, le juge pourrait accélérer les chose ne serait-ce que pour l’état dans lequel il est. La justice, ce n’est pas un lieu de règlement de comptes», fulmine-t-il.
Nd. Kh. D. F